À Bruxelles et dans les grandes villes, le PS veut contrer la droite sur son terrain, en faisant de la sécurité l’un de ses thèmes de campagne
Le pari du PS sera-t-il payant ? “L’électeur préfère l’original à la copie, donc ce sera compliqué pour le PS de faire de la sécurité un thème central de campagne”, observe Emilie Van Haute, politologue.
- Publié le 07-05-2024 à 09h31
Les questions de l’abattage rituel, de Gaza ou de Good Move font figure de thèmes centraux dans la campagne quelque peu souterraine à laquelle se livre le PS bruxellois, dans les quartiers et sur les réseaux sociaux davantage que dans les médias traditionnels.
Cette campagne menée de manière inhabituelle n’est pas le seul pari posé par les socialistes pour tenter de faire mentir les sondages, peu favorables dans la capitale.
Ridouane Chahid, bourgmestre d’Evere, chef de groupe PS au Parlement bruxellois, a ainsi passé l’essentiel de son discours du 1er mai à parler de sécurité. Un thème inhabituel pour les socialistes…
”Arrêter ces dealers”
“Il faut renforcer la présence de policiers sur le terrain pour arrêter ces dealers, renforcer les effectifs de la police fédérale pour venir en appui des enquêtes, a-t-il asséné devant les militants socialistes. Ne croyez pas, chers camarades, que la droite est légitime pour parler de sécurité.”
Ce lundi, sur BX1, Ahmed Laaouej s’est lui aussi positionné sur la sécurité, réclamant plus de moyens du fédéral. “Ce qu’il faut, c’est plus de moyens pour casser les reins des trafiquants de drogue, de ces bandes criminelles”, a lancé le candidat socialiste au poste de ministre-Président bruxellois.
"Nous nous rendons compte depuis plusieurs mois, et ce dans tous les quartiers de Bruxelles, que la demande de sécurité est la même partout. C'est un enjeu pour toutes les grandes villes, que ce soit Liège, Charleroi, ou Bruxelles."
”La situation a changé depuis ce qu’il s’est passé à la gare du Midi depuis la mort d’un policier à Schaerbeek en 2022. Des réseaux de riverains se sont mobilisés et nous ont interpellés. Nous avons aussi reçu un courrier de la part de la direction des logements sociaux, inquiète de la situation. Nous nous rendons compte depuis plusieurs mois, dans les quartiers de Bruxelles, que la demande de sécurité est la même partout. L’octroi de moyens de police supplémentaires est aussi un vrai enjeu pour les finances communales, qui doivent compenser les manques des zones de police, ajoute Redouane Chahid, deuxième sur la liste bruxelloise à la Chambre. L’idée, c’est de dire que la sécurité d’existence doit être rencontrée par tous, que ce soit la sécurité sociale, ou la sécurité tout court. C’est un enjeu pour toutes les grandes villes, que ce soit Liège, Charleroi, ou Bruxelles.”
L’influence des bourgmestres
L’enjeu, en effet, dépasse le cadre strictement bruxellois, puisque le président du PS, Paul Magnette, a promis la semaine dernière sur Bel-RTL l’engagement de 10 000 policiers en 5 ans.
”Cela fait partie de nos 3 'S' : salaire, santé́ et sécurité”, précise le porte-parole du PS.
Selon nos informations, ce sont les thèmes du pouvoir d’achat et de la santé/sécurité sociale qui avaient été initialement retenus comme prioritaires au niveau national. ” Mais des bourgmestres comme Willy Demeyer (Liège), Nicolas Martin (Mons), et Ridouane Chahid ont fait remonter leurs préoccupations quant à la question de la sécurité dans les grandes villes”, nous indique une source socialiste.
"Je suis en tout cas ravi que le parti en fasse une priorité et casse l’image que l’on nous colle parfois injustement sur le sujet, sans doute en raison des atermoiements de la gauche française sur le sujet."
”C’est un souhait de Paul (Magnette) à la base. Mais il sait aussi que ses bourgmestres de grandes villes y sont très attachés, objecte le bourgmestre de Mons, Nicolas Martin. Je suis en tout cas ravi que le parti en fasse une priorité et casse l’image que l’on nous colle parfois injustement sur la sécurité, sans doute en raison des atermoiements de la gauche française.”
Récemment, dix bourgmestres PS de grandes villes, dont quatre Bruxellois ont ainsi signé la carte blanche socialiste “Vivre en sécurité”.
Si l’on se fie aux enquêtes d’opinion, le pari électoral n’est pas sot.
Le thème de la sécurité devient arrive désormais en troisième préoccupation dans les préoccupations des sondés bruxellois, sans doute en raison des fusillades à répétition, et cinquième en Wallonie. Aucun thème n’a plus progressé par rapport à il y a 6 mois.
”Un positionnement nouveau du PS”
”Ce positionnement est clairement nouveau pour le PS, note Emilie Van Haute, politologue à l’ULB. Mais de nouvelles réalités sociales ont émergé dans les grandes villes. Sur la sécurité, les socialistes sont soumis à une double pression, avec des questionnements des citoyens, mais aussi le positionnement d’autres partis à Bruxelles, comme le MR et Défi. Dans ces conditions, il est difficile de ne pas parler de sécurité, en particulier pour les candidats qui briguent la ministre-présidence bruxelloise et le mayorat des principales communes concernées.”
Emilie Van Haute ne s’attend toutefois pas à ce que la sécurité reste à l’avant-plan, dans le sprint final de la campagne. “L’électeur préfère l’original à la copie, donc ce sera compliqué pour le PS de faire de la sécurité un thème central de campagne, car cela ne lui serait pas favorable. Je m’attends à ce qu’ils opèrent un recentrage du message durant les semaines qui viennent.”
À la droite de l’échiquier, on ne croit d’ailleurs guère à la sincérité de la prise de position socialiste.
”Allez, personne n’est dupe aujourd’hui. Le PS a mené une politique laxiste pendant 20 ans en finançant des asbl inutiles, en baissant les yeux sur plein de trafics, en ne soutenant jamais la police et en détruisant chaque initiative sécuritaire”.
”Personne n’est dupe aujourd’hui. Le PS a mené une politique laxiste pendant 20 ans en finançant des ASBL inutiles, en refusant de voir plein de trafics, en ne soutenant jamais la police et en détruisant chaque initiative sécuritaire, fustige David Leisterh, tête de liste MR au Parlement bruxellois. C’est ce cocktail de non-mesures PS qui a rendu Bruxelles explosive. Et ils se plaignent aujourd’hui ? À leur place, j’aurais pris les choses nettement plus sérieusement.”
”Quand la droite était seule au pouvoir au Fédéral, sans la gauche (NdlR : sous la Suédoise), elle avait l’opportunité de mettre des moyens dans la police, et elle ne l’a pas fait, rétorque Redouane Chahid. Nous allons le faire.”