La justice belge donne raison à la Commission mais ménage AstraZeneca
Tout le monde est satisfait. Tant la Commission européenne qu’AstraZeneca se sont félicitées du jugement rendu ce vendredi en référé par le tribunal de première instance de Bruxelles.
- Publié le 18-06-2021 à 21h12
- Mis à jour le 18-06-2021 à 21h19
L’Union européenne poursuit en justice la firme pharmaceutique suédo-britannique, qu’elle accuse de ne pas fournir "les meilleurs efforts" requis pour honorer le contrat pré-achat de 300 millions de doses de vaccins contre le Covid-19 signé le 27 août 2020. Depuis le début de l’année, les livraisons accusent du retard. Beaucoup de retard. Au moment où la Commission s’est adressée à la justice, AstraZeneca n’avait livré que 30 millions des 120 millions de doses promises au premier trimestre. Un réel problème, étant donné que la stratégie vaccinale de certains des Vingt-sept s’appuyait largement sur les doses d’AstraZeneca (qui comptaient pour 40% du portefeuille dans certains cas).
L’Union réclamait en justice 90 millions de doses pour la fin du second trimestre, avec une astreinte de 10 euro par jour par dose non livrée. La juge Grisard a ordonné à AstraZeneca de livrer 50 millions de doses d’ici le 21 septembre, pour arriver à un total de 80 millions, sous peine de devoir s’acquitter d’une astreinte de 10 euros par dose non livrée. Le calendrier imposé est le suivant : 15 millions de doses à livrer avant le 26 juillet "à 9 h", puis 20 pour le 23 août et 15 autres millions d’ici au 27 septembre. Soulagement du côté du laboratoire, qui affirme qu’il a déjà livré 70 millions de doses et qu’il aura atteint sans difficulté le chiffre de 80 millions dès juin.
Même si l’Union obtiendra moins de doses qu’espéré, la Commission estime, elle aussi, que le jugement lui est favorable. "Le tribunal considère qu’il y a eu une violation de contrat", insiste un avocat défendant la Commission, pointant que le jugement fait état de "faute lourde" commise par AstraZeneca qui a "délibérément violé" le contrat. La juge rappelle certes que l’UE n’avait "ni priorité, ni exclusivité" sur les doses produites par AstraZeneca dans les usines mentionnées dans le contrat, dont celle de Seneffe, en Belgique. Mais elle affirme que le laboratoire aurait dû utiliser la production des sites d’Halix, aux Pays-Bas, et d’Oxford Biomedica, outre-Manche pour honorer ses engagements envers l’UE, plutôt que de les réserver au Royaume-Uni. De plus, l’UE n’a appris qu’en mai que celui-ci était un client prioritaire d’AstraZeneca. Or, l’article 13.1.e du contrat passé avec l’UE stipule qu’aucun autre engagement ne peut empêcher le laboratoire d’honorer ses obligations.
S’il n’obtient pas le montant de doses ni les astreintes qu’elle réclamait, la Commission estime qu’elle l’emporte sur les principes. "C’est important pour le futur", souligne un juriste maison, rappelant que la Commission négocie de nouveaux contrats avec d’autres firmes. "Ces principes ont des conséquences concrètes", insiste l’avocat mandaté par la Commission. Ainsi, le jugement obligera AstraZeneca à utiliser, si nécessaire, le site d’Oxford Biomedica pour respecter ses obligations de fournir les 220 millions de doses manquantes. Le tribunal n’a pas fixé de délai pour cette livraison. L’affaire se poursuivra lors de deux nouvelles audiences sur le fond, programmées les 24 et 29 septembre.