Bannir l'essence et le diesel d'ici 2035, "zéro chômeur de longue durée"... Les défis du gouvernement bruxellois sont-ils réalisables?
Bannir l'essence et le diesel, faire de Bruxelles la capitale culturelle en 2030... Les défis du gouvernement bruxellois sont-ils réalisables?
- Publié le 19-07-2019 à 07h02
- Mis à jour le 19-07-2019 à 23h59
La Région bruxelloise pourra se targuer d’être la première du pays à se doter d’un gouvernement issu des élections. Partout ailleurs, excepté en Communauté germanophone où la mayonnaise a pris en deux jours, les négociations patinent toujours.
Samedi, le nouvel exécutif devrait recevoir la confiance du Parlement régional. D’ici là, il défendra son accord devant les députés. Pour certaines mesures, le cap sera difficile à passer tant elles paraissent soit très incertaines, voire fort hasardeuses – à l’instar de cette promesse de disposer de 15 % de logements à finalité sociale à Bruxelles à laquelle le ministre-Président ne croit pas lui-même.
L’opposition – MR, PTB, CDH et N-VA pour l’essentiel – ne laissera rien passer. L’ex-ministre de l’Environnement, Céline Fremault (CDH), a donné le ton ce jeudi. Elle ne décèle aucun accent révolutionnaire – de nombreuses mesures n’étant finalement que la concrétisation d’intention du gouvernement précédent –, mais s’inquiète pourtant déjà de l’absence de piste pour les financer.
Un passage de l’accord stipule bien qu’“une partie des investissements stratégiques” sera exclue de la trajectoire budgétaire. Mais les experts en matière de finances publiques savent pourtant bien que la marge de manœuvre des Régions est étroite. Car, pour échapper aux contraintes budgétaires imposées par l’Europe, il faut soit négocier un peu de souplesse avec la Commission européenne, soit demander aux autres entités qui composent le pays de dépenser un peu moins qu’elles en ont le droit. Dans les deux cas, c’est très aléatoire.
Une autonomie de 30% en fruits et légumes d'ici 2035?
Parmi les mesures pour soutenir l’agriculture urbaine et périurbaine, on retrouve "des objectifs volontaristes, à savoir la production de minimum 30 % de la consommation annuelle des Bruxellois en fruits et légumes à l’horizon 2035". Rendons à César ce qui appartient à César : cet objectif était déjà défini dans la "Stratégie Good Food", présentée en 2016 et initiée par Céline Frémault (CDH), ex-ministre bruxelloise de l’Environnement.
Des appels à projets ont été lancés ces dernières années pour soutenir les initiatives dans le domaine de l’agriculture urbaine durable en région de Bruxelles-Capitale. Par ailleurs, la Région a participé l’année dernière - pour la première fois - à la Foire de Libramont sous le thème "Qui nourrira nos villes demain ?".
L’une des plus grandes fermes urbaines aquaponiques de la région - et même d’Europe, avec ses 4 000 m2 - se situe sur les toits du Foodmet, sur le site des abattoirs d’Anderlecht. Bref, en matière d’agriculture urbaine, l’accord de gouvernement confirme tout simplement les engagements pris sous la précédente législature. Une tâche, avalisée par le précédent gouvernement mais pas encore réalisée, lui revient : la surface bruxelloise étant insuffisante pour satisfaire l’objectif de 30 %, il faudra conclure des partenariats avec les deux Régions voisines pour "nourrir Bruxelles".
Bruxelles teste le territoire “zéro chômeur de longue durée”
Dans le volet emploi de son accord, le nouveau gouvernement annonce “dans les quartiers statistiquement les plus pertinents, un projet pilote inspiré du modèle des territoires ‘zéro chômeur de longue durée’ et adapté à la réalité urbaine bruxelloise”. L’objectif poursuivi est de “mieux répondre aux besoins de la Région et aux compétences des chercheurs d’emploi”.
Le concept de territoire “zéro chômeur de longue durée” (TZCLD) vient de France où, à l’initiative d’ATD-Quart Monde, dix expériences pilotes ont été lancées : dans une zone définie (de quelques milliers d’habitants), il s’agit de proposer à tout chômeur de longue durée (au moins un an) qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée et à temps choisi (plein ou partiel) en développant et finançant des activités utiles et non concurrentes des emplois existants, pour répondre aux besoins des habitants, des entreprises ou des institutions. L’idée sous-jacente, c’est que personne n’est inemployable. Mais on part des compétences du chômeur et on lui cherche un emploi, plutôt que de rechercher les compétences nécessaires pour un job.
En principe, le dispositif n’engendre pas de nouvelles dépenses. Le coût du chômage (allocations, accompagnement…) étant remplacé par le coût du salaire (minimum) de la personne mise au travail.
Réduire le nombre d’autos, bannir l’essence et le diesel d’ici 2035
Le nouvel exécutif bruxellois entend renforcer les modes de déplacements doux, durables et partagés, ainsi que privilégier les transports en commun. Le covoiturage sera par ailleurs encouragé. Autre volonté bruxelloise : assainir le parc automobile et poursuivre le développement de la zone de basses émissions (LEZ) avec l’aide d’un comité stratégique composé d’experts indépendants. “Le gouvernement affirme sa volonté d’une sortie du diesel au plus tard pour 2030, et de l’essence et du LPG au plus tard pour 2035. Le gouvernement déterminera les mesures d’accompagnement tenant compte de la situation sociale des ménages.”
Cet objectif ne tombe pas de nulle part. Il avait été fixé le 31 mai 2018 par le précédent gouvernement. Objectif réaliste ? Difficile à dire, pour l’instant. En tout cas, l’annonce, en 2018, d’une sortie du diesel avait fait grincer quelques dents, notamment celles de la Fédération belge des carburants, qui estimait que la création de stations-service équipées en gaz naturel ou en électrique serait très onéreuse. Et de souligner qu’il faudrait taxer les véhicules alternatifs pour compenser les accises perçues sur le diesel et l’essence. N’empêche qu’une solution devra s’imposer rapidement : la sortie des carburants fossiles est une condition sine qua non pour préserver la santé des Bruxellois, lutter contre le réchauffement climatique mais aussi pour respecter l’accord de Paris. Pour mémoire, cet accord vise à limiter la hausse des températures à deux degrés, ce qui passe obligatoirement par la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Bruxelles, capitale culturelle 2030 ? Un défi pas simple à relever
L’accord de gouvernement pour la Région bruxelloise confirme la volonté du ministre-Président Rudi Vervoort, annoncée depuis quelques années déjà, de déposer la candidature de Bruxelles comme capitale culturelle européenne en 2030. Avec Kanal qui s’ouvre en 2023 comme “moteur”.
Les pays de l’Union européenne peuvent tour à tour obtenir ce label de capitale culturelle qui permet de “vendre” formidablement une de leurs villes. Ce fut le cas déjà en Belgique avec Anvers en 1993, Bruxelles déjà en 2000, Bruges en 2002 et Mons en 2015. Le prochain tour pour la Belgique est bien en 2030, en même temps que Chypre. Le dépôt de candidatures devrait déjà se faire en 2024. Mais d’autres candidats belges seront en lice. Courtrai devrait déposer sa candidature et on dit que Liège et Charleroi se tâtent.
L’expérience de Mons 2015 a montré qu’une candidature se préparait avec le choix d’un commissaire général, huit à dix ans avant, donc dès 2020-2022. Et qu’il fallait un budget d’au moins 70 millions d’euros sans compter les investissements d’infrastructures. Ce fut le cas de Mons 2015, petite ville par rapport à Bruxelles.
Le jeu en vaut la chandelle. L’expérience de Bruxelles 2000 a généré des traumatismes. Mais elle permit aussi un changement capital de mentalités à Bruxelles, faisant collaborer les opérateurs bruxellois des deux Communautés pour la première fois.