Pourquoi la grille des loyers activée à Bruxelles est embarrassante pour le locataire et le propriétaire

Depuis le 2 décembre, dans les nouveaux baux de location comme dans les avenants de baux en cours d'un logement situé dans la Région de Bruxelles-Capitale, les propriétaires sont tenus de mentionner le loyer dit de référence. Une conséquence de l'Ordonnance "visant à instaurer une commission paritaire locative et à lutter contre les loyers abusifs" , votée le 18 octobre et publiée au Moniteur le 22 novembre.

Éviter d’alimenter une spirale de loyers abusifs…

Ces loyers indicatifs sont à trouver sur le site www.loyers.brussels en répondant à quelques questions basiques sur la surface habitable, le nombre de chambres, l'année de construction (avant ou après 2000), le confort (chauffage central, double vitrage, nombre de salles de bains…) et la localisation. Le résultat affiché ne propose pas un prix moyen mais une fourchette de loyers avec une marge de 10 % vers le haut et de 10 % vers le bas.

"La grille n'est pas aussi précise qu'elle le devrait" , dénonce Patrick Willems, secrétaire général du Syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNPC). "Les garages sont pris en compte, mais pas les parkings privatifs extérieurs, par exemple. L'ascenseur ne l'est pas non plus, ni le nombre de logements dans l'immeuble. On n'y évoque pas le fait que la cuisine est équipée, le sol en parquet… Ni qu'il bénéficie d'un jardin ou d'une terrasse ! Le bien peut aussi bien être situé au-dessus d'un magasin de nuit ou au dernier étage d'un immeuble avec vue sur un parc, être ou non proche de transports en commun, avoir ou non été récemment rénové. Soit quantité de facteurs qui peuvent justifier l'écart d'un loyer."

"Par acquit de conscience" , nous écrit un gestionnaire de biens pour compte de tiers, "nous avons fait l'exercice pour l'ensemble de notre portefeuille bruxellois ." " Pour tous les baux que nous avons signés , les loyers du bail sont nettement supérieurs aux loyers de référence", précise-t-il, sans pour autant les considérer comme abusifs. " Ce qui est embarrassant vis-à-vis du locataire. C'est clair que cela va semer le doute dans son esprit."

… à condition que les loyers indicatifs soient représentatifs

"Nous ne sommes pas opposés à donner un loyer pour autant qu'il reste indicatif ", renchérit Patrick Willems. "Et à condition qu'il soit véritablement représentatif du marché. En 2019, quand la grille a été établie par la Région bruxelloise, nous avons demandé à nos membres de faire l'exercice. À une large majorité, les montants étaient supérieurs aux loyers indicatifs." Et d'étayer ses propos en évoquant l'exemple d'un appartement récemment proposé à la location à 900 euros/mois et qui a suscité quelque 70 demandes, alors que la fourchette haute du loyer de référence était à 685 euros. "De quoi donner l'impression au locataire qu'il se fait voler puisque d'entrée de jeu, on lui dit que le loyer est abusif."

Le SNPC avait rué dans les brancards, jugeant que ce projet "socialisait le logement privé". Et refusé de participer à la Commission paritaire réunissant des représentants des propriétaires et des locataires, mise en place pour analyser le bien-fondé d'un loyer mis en doute par un locataire. "Qui sommes-nous pour oser prétendre connaître les loyers de tous les immeubles de tous les quartiers" , explique son secrétaire général. "Nous n'en allons pas moins adapter nos baux types en conséquence et préparer des modèles d'avenants."

Le risque est double, selon lui : d'une part, que des propriétaires peu scrupuleux "ne s'occupent que des critères qui sont valorisés, laissant de côté ceux qui ne peuvent l'être" ; et d'autre part, que des locataires "signent un bail et, deux mois plus tard, se tournent vers la Commission en arguant que le loyer est abusif et doit être revu à la baisse."