Après le départ de leur nouveau président, les unionistes nord-irlandais nagent à nouveau en plein chaos
Edwin Poots s’en va, trois semaines après avoir remplacé Arlene Foster, poussée à la démission.
- Publié le 18-06-2021 à 21h20
- Mis à jour le 18-06-2021 à 21h26
Edwin Poots n’aura pas tenu bien longtemps à la tête du DUP, le parti unioniste plus important d’Irlande du Nord. Élu le 14 mai, nommé chef du parti le 28 mai, il a démissionné en catastrophe ce jeudi 17 juin. "J’ai demandé au président du parti de lancer le processus électoral au sein du parti pour permettre à un nouveau chef du DUP d’être élu", a-t-il expliqué par communiqué. Edwin Poots s’est dit déterminé, en cette "période difficile pour le parti et le pays", à ce que "l’unionisme et l’Irlande du Nord puissent bouger vers une position plus forte". Le DUP est en plein chaos, et ce depuis le référendum sur le Brexit. La direction du parti a fait campagne en 2016 en faveur d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Elle n’avait visiblement pas compris les tenants et les aboutissants d’un tel changement, qui allait concrètement affecter la vie et la politique des Nord-Irlandais.
Sa cheffe Arlene Foster ne s’est jamais remise de cette incohérence. Elle a provoqué la chute de la Première ministre britannique Theresa May en refusant son plan de "filet de sécurité". Pour éviter que le Brexit ne provoque le retour d’une frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, Mme May avait convenu avec la Commission européenne de maintenir provisoirement (mais sans date butoir) l’ensemble du Royaume-Uni dans une union douanière avec l’UE et l’alignement de l’Irlande du Nord sur certaines règles du marché unique européen. Outils de l’accession au pouvoir de Boris Johnson, Arlene Foster et le DUP ont été trahis par celui-ci quelques mois plus tard : il a accepté la séparation partielle l’Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni d’un point de vue administratif et juridique, et l’instauration du contrôle des marchandises allant de Grande-Bretagne en Irlande du Nord afin de pouvoir conclure un accord de retrait avec l’Union européenne. Un cauchemar pour le DUP, puisque cette nouvelle situation accentue la différenciation entre la province britannique et le reste du Royaume-Uni.
"Le mécontentement vis-à-vis d’Arlene Foster bouillonnait depuis longtemps", rappelle cependant Katy Hayward, professeure de sociologie politique à la Queen’s University Belfast et chercheuse au sein du centre de réflexion UK in a Changing Europe. "Ses opposants l’ont donc fait tomber avant la fin avril afin de s’assurer qu’elle ne dirigerait pas le parti lors de l’élection parlementaire nord-irlandaise prévue dans un an."
Les unionistes perdants à tous les coups
Edwin Poots s’est porté candidat contre Jeffrey Donaldson. Il appartient à l’aile radicale du parti, son adversaire à l’aile modérée. Il est aussi connu pour croire que la Terre est plate et a été créée il y a 4 000 ans. Malgré ce bagage, il s’est fait élire avec deux voix d’avance (19-17). Après des négociations difficiles, il a accepté un compromis avec les républicains du Sinn Fein, avec la mise en place d’une législation faisant belle part à la langue irlandaise. Il vise ainsi à permettre le maintien de la direction bipartite de la province et éviter la tenue d’une élection, qui verrait le Sinn Fein, favorable à la réunion de l’île, devenir le premier parti d’Irlande du Nord et ainsi s’emparer du poste de Premier ministre. "Le DUP perd à tous les coups : soit il accepte un compromis avec le Sinn Fein, soit son refus provoque le retour d’un gouvernement britannique en lequel il n’a aucune confiance aux manettes de l’Irlande du Nord", estime Katy Hayward.
Ce n’est pourtant pas ce compromis qui a provoqué sa chute. Élu sur le message qu’Arlene Foster s’était éloignée de la base du parti et sa volonté de redémocratiser le parti, il a réalisé l’inverse dès son élection confirmée. Contre l’avis général, il a séparé les rôles de chef du parti et de Premier ministre d’Irlande du Nord. Il a ensuite nommé Paul Givan, un de ses protégés, à ce poste sans demander l’avis de ses collègues. Malgré leur vote par 24 voix sur 28 contre cette nomination, il a persévéré. Quelques heures plus tard, il a dû rendre son tablier. L’avenir du DUP n’en est pas plus clair.