Le Parti républicain ne veut jurer que par Donald Trump
Liz Cheney, l’une des rares à oser s’opposer à l’ex-Président, devrait être bientôt écartée de sa direction.
- Publié le 05-05-2021 à 19h45
- Mis à jour le 12-05-2021 à 16h43
Ce n’est pas un combat des chefs. Ce n’est pas davantage un combat entre deux lignes idéologiques. C’est un combat entre deux conceptions de la politique, dont l’issue déterminera l’avenir de l’un des deux grands partis de la première puissance mondiale, avec les répercussions que cette évolution, érigée en modèle, pourrait avoir dans d’autres pays démocratiques.
De prime abord, les tensions à la tête du Parti républicain aux États-Unis peuvent se résumer à des rivalités personnelles et des calculs électoraux, à dix-huit mois des législatives de la mi-mandat qui sont plus que jamais susceptibles de bouleverser les majorités au Congrès. Respectivement numéros un et trois des Républicains à la Chambre des représentants, le chef de la minorité républicaine, Kevin McCarthy, reproche à la présidente de la Conférence républicaine, Liz Cheney, de diviser, par ses incessantes critiques, un parti qui doit impérativement se présenter uni au scrutin de novembre 2022.
Au cœur du débat, cependant, on trouve l’héritage de Donald Trump et ce qu’il faut penser des méthodes qui lui ont permis de gagner la présidentielle en 2016, puis de prendre le contrôle d’un Parti républicain dont il ne partage pourtant guère les valeurs et les traditions : une stratégie qui préfère le mensonge à la vérité, et les "faits alternatifs" à la réalité. Cette stratégie a connu son apothéose avec l’invocation de fraudes imaginaires pour contester la légitimité de l’élection de Joe Biden.
Le mantra du "Big Lie"
Si des personnalités républicaines comme Mitch McConnell, alors chef de la majorité au Sénat, ont initialement dénoncé pareille attitude, l’establishment du parti semble désormais s’accommoder des fictions chères à Donald Trump et en particulier du "gros mensonge", ainsi qu’il qualifie la victoire de Biden. À tel point que le "Big Lie" semble devenu un mantra du Parti républicain pour conserver les faveurs de l’ancien Président et de ses partisans. Même Kevin McCarthy n’y trouve apparemment rien à redire. Il est vrai que l’homme, d’abord scandalisé par la mise à sac du Capitole, le 6 janvier, s’était ensuite empressé d’aller faire amende honorable auprès de Trump à sa résidence de Mar-a-Lago.
Face à ce ralliement inconditionnel, seuls une poignée de Républicains résistent au sommet de l’appareil, emmenés par celle qui est devenue leur égérie : Liz Cheney. Élue du Wyoming, la fille de Dick Cheney, qui fut l’influent vice-président de George W. Bush, compta parmi les dix députés républicains qui votèrent la destitution de Donald Trump, le 13 janvier dernier. Depuis, elle n’a cessé de dénoncer ses coreligionnaires qui souscrivent, envers et contre tout, aux mensonges de l’ancien Président.
Un ex-Président toujours banni de Facebook
C’est cet acharnement que les collègues de Mme Cheney, pressés de passer à autre chose, ne lui pardonnent pas. Si elle avait échappé à un premier vote de défiance, le 3 février, elle ne paraît pas pouvoir triompher d’une nouvelle tentative imminente de lui retirer la direction de la Conférence républicaine. Déjà des noms circulent pour la remplacer. Des noms de femmes pour faire bonne mesure, comme Elise Stefanik et Jackie Walorski, respectivement députées de New York et de l’Indiana, et pareillement acquises à la cause de Donald Trump.
Alors que le Conseil de surveillance de Facebook a confirmé mercredi le bannissement dont il fait provisoirement l’objet depuis les événements du Capitole, l’ancien Président se consolera en sachant que ses contradicteurs seront donc muselés au sein du parti. Ses théories, aussi fumeuses soient-elles, pourront ainsi être plus facilement élevées au rang de dogmes pour les Républicains. En attendant que Donald Trump puisse de nouveau les partager avec "des dizaines de millions" d’abonnés sur le réseau social qu’il s’est promis de créer bientôt.