"La présence du Covid-19 dans certaines communes bruxelloises reflète l'hypothèse que le virus touche davantage les plus pauvres"
Six communes bruxelloises font partie du top 15 des communes belges les plus touchées par le Covid-19. Cela concerne surtout le nord et le centre de la capitale. L'écart entre certains quartiers s'explique par plusieurs facteurs.
- Publié le 13-08-2020 à 15h30
- Mis à jour le 14-08-2020 à 13h18
L'Institut de santé publique Sciensano publie chaque jour le nombre de nouveaux cas de Covid-19 enregistrés par commune lors des sept derniers jours. Parmi les 15 communes les plus touchées, six sont bruxelloises : Bruxelles-Ville (134), Anderlecht (107), Schaerbeek (95), Molenbeek (69), Ixelles (42) et Jette (36). Mais pourquoi, sur les 19 communes de la capitale, certaines sont plus touchées que d’autres ? Pour Yves Coppieters, médecin épidémiologiste et professeur de santé publique à l’ULB, "l’augmentation de cas dans certaines communes en Région bruxelloise est le reflet de l’hypothèse que le virus touche davantage les populations les plus paupérisées".
Selon Yves Coppieters, ce phénomène ne serait pas uniquement bruxellois et n'est pas la seule source d'explication quant à un rebond épidémique. "Un grand nombre de facteurs peuvent expliquer pourquoi certaines communes sont plus touchées que d’autres, explique-t-il. La densité de la population, la diversité culturelle ou encore la situation économique des habitants en font partie. Certains groupes vivent dans une plus grande promiscuité. Les conditions climatiques et sociales dans certains quartiers ne favorisent pas l’application des gestes barrières à tout moment."
Le comportement ne fait pas tout
Si certaines communes sont plus à risque que d’autres, ce n’est pas uniquement à cause du comportement de leurs habitants, d'après l'expert. "Les communes du sud de Bruxelles sont davantage résidentielles. Les gens ont souvent un jardin. Il y a plus de parcs. Les personnes sont beaucoup moins en promiscuité les unes avec les autres lorsqu’elles mènent leurs activités à l’extérieur." Yves Coppieters pointe une exception : les centres commerciaux et les centres des communes. "Mais dans ces zones, le port du masque était déjà obligatoire. Ces communes sont moins à risque", observe l'épidémiologiste.
Ne pas cibler des communautés sauf pour faire de la prévention
Existe-t-il d’autres explications ? Certaines communautés ont déjà été ciblées dans le passé. Pour Yves Coppieters, se focaliser sur des communautés n’est pas pertinent : "On peut uniquement trouver des foyers de contamination : dans un immeuble, après une fête de mariage ou un enterrement. Sur cette base, on peut déterminer l’origine culturelle et sociale du groupe qui est infecté. A partir de là, on peut tirer des hypothèses. Mais ce n’est pas la communauté qui pose problème, c’est le fait d’avoir organisé un évènement avec de grands risques de transmission qui est problématique." Le professeur estime donc qu'il est inutile de lier certaines communes comptant plus de cas positifs avec des communautés particulières. "Il faut éviter de stigmatiser certains groupes. Par contre, dans une commune à diversité culturelle, le bourgmestre peut adapter ses stratégies de sensibilisation en fonction des populations qui résident dans sa commune. Informer, faire de la sensibilisation et de la pédagogie dans les groupes dans lesquels on a découvert des foyers de contamination a tout son sens. Il faut conseiller pour éviter de reproduire des foyers dans d’autres circonstances."
Peu de cas ne veut pas toujours dire peu de virus
Si on regarde l’incidence cumulative (soit le nombre de nouveaux cas des sept derniers jours divisé par la population de la commune multiplié par 100.000), certaines grandes villes maintiennent un nombre de contaminations relativement bas. Gand, Charleroi, Bruges, Louvain et Mons comptent, pour les sept derniers jours, moins de 35 nouveaux cas par 100 000 habitants. Le virus circule-t-il moins dans ces villes ? Pour Yves Coppieters, ces chiffres doivent être interprétés au regard de la stratégie de testing de ces grands centres urbains : "Si la ville a élargi le nombre de tests et que le nombre de cas n’augmente pas, c’est une excellente nouvelle. Cela veut dire que, dans ces communes, le virus circule très peu. Par contre, si le nombre de tests et le nombre de cas n'ont pas augmenté, les chiffres ne reflètent peut-être pas la réalité. Cela veut dire que la stratégie n’est pas encore assez large pour aller chercher les personnes peu symptomatiques ou asymptomatiques qui circulent dans la population."
Faire confiance au bon sens des personnes
Au moindre doute, il vaut mieux se faire dépister. Y compris pour les retours de vacances depuis des zones orange. "Pour les zones rouges, il faut imposer le test et la quatorzaine. Pour les zones orange, si les personnes ont passé des vacances avec leur bulle sociale en respectant les gestes barrières, il n'y a pas beaucoup de raison d'être testé en rentrant. Par contre, si elles ont été dans des situations plus à risque, comme des soirées dans des boîtes de nuit, j'espère que leur bon sens va agir et qu'elles iront faire un test", explique Yves Coppieters. Pour lui, la généralisation n'est pas une bonne stratégie. Il faut se poser les bonnes questions : "Où et comment ai-je passé mes vacances ? Ai-je rencontré une situation à risque ou ai-je passé mes vacances dans le respect des règles fixées en Belgique ? Pour faire confiance au bon sens des personnes, il faut communiquer, informer et ne pas relâcher la sensibilisation", conclut Yves Coppieters.