Macédoine : Les présidentielles, premier test politique du "nouveau" pays
- Publié le 19-04-2019 à 20h56
- Mis à jour le 19-04-2019 à 20h57
Macédoine du Nord Un an après la conclusion de l’accord "historique" avec la Grèce, les électeurs semblent toutefois démobilisés. Le pays porte désormais le nom de République de Macédoine du Nord et devrait rejoindre l’Otan dès l’été prochain, mais cela fait longtemps que les espoirs suscités par l’arrivée au pouvoir, au printemps 2017, du Premier ministre social-démocrate Zoran Zaev sont retombés. Les souvenirs de la corruption et de l’autoritarisme des nationalistes du VMRO-DPMNE, qui ont présidé à la destinée du pays entre 2006 et 2016, se dissipent devant les scandales qui éclaboussent le nouveau gouvernement. Celui-ci tente même de limiter le travail du Bureau de la Procureure spéciale (SJO), chargée d’enquêter sur les crimes des caciques de l’ancien régime, afin de s’attacher des obligés au Parlement macédonien. Dans ce contexte morose, le premier tour de l’élection présidentielle, qui doit se dérouler ce dimanche, ne suscite guère d’enthousiasme.
"J’avais espéré que l’alternance permettrait de casser les réflexes clientélistes qui sclérosent la société. Or, les hommes ont été remplacés mais les mauvaises pratiques demeurent", se lamente Ivana, qui travaille dans la communication. Selon les derniers sondages, plus d’un tiers des électeurs n’aurait pas fait son choix entre les trois candidats en lice, et une bonne partie du corps électoral devrait s’abstenir. L’Union sociale-démocrate (SDSM) de M. Zaev espère capitaliser sur la résolution du "conflit du nom" avec le voisin grec - alors qu’Athènes déniait au pays le droit de s’appeler "Macédoine", l’accord de Prespa conclu entre Zoran Zaev et le Grec Alexis Tsipras l’a rebaptisé "Macédoine du Nord".
La logique du vote communautaire à nouveau brisée ?
Le SDSM a décidé de miser sur un candidat consensuel, Stevo Pendarovski, qui coordonne l’adhésion du pays à l’Otan. Il a reçu le soutien officiel de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), le principal parti de la minorité albanaise, membre de la coalition gouvernementale. M. Pendarovski espère ainsi dépasser le clivage ethnique et recueillir des voix au sein des deux principales communautés du pays, les Macédoniens et les Albanais.
La partie est pourtant loin d’être gagnée. Il faudra écarter la juriste Gordana Siljanovska Davkova, qui jouit d’une réputation d’indépendance et de droiture dépassant les cercles nationalistes macédoniens qui constituent habituellement la base électorale du VMRO-DPMNE. Au coude-à-coude dans les sondages, les deux candidats devraient se retrouver au second tour, dont l’issue dépendra des consignes de vote de Blerim Reka, un intellectuel albanais soutenu par plusieurs petits partis d’opposition, dont les "erdoganistes" du mouvement Besa, réputé proche du Président turc Recep Tayyip Erdogan.
Lors des législatives de 2016, de nombreux électeurs appartenant la communauté albanaise avaient fait le choix de briser la logique du vote communautaire et de soutenir les sociaux-démocrates, une première dans le pays. Rien ne dit que le phénomène se reproduira, malgré les mesures symboliques prises par le gouvernement, comme une loi sur l’égalité des langues, qui introduit le bilinguisme macédonien-albanais sur tout le territoire.
Alors que l’élection oppose trois distingués juristes, qui ont su mener des débats télévisés courtois, les partis qui les soutiennent se livrent, eux, à des attaques ad hominem et des surenchères démagogiques. Premier scrutin depuis la validation de l’accord avec la Grèce, cette élection fait figure de test politique grandeur nature pour M. Zaev. La validation du scrutin nécessite une participation d’au moins 50 % du corps électoral, difficile à atteindre en raison de la démobilisation des électeurs et de l’obsolescence des listes électorales. Celles-ci n’ont jamais été nettoyées et elles recensent officiellement 1 808 131 votants, alors qu’un exode massif vers l’Europe occidentale touche toutes les communautés du pays. Le nombre des habitants de Macédoine du Nord est donc certainement inférieur à ce total.
Même s’il ne jouit que de compétences institutionnelles limitées, le prochain président de la Macédoine du Nord devra mener à bien l’intégration du pays dans l’Otan, et poursuivre autant que faire se peut les réformes devant théoriquement mener à l’Union européenne. Mais il devra surtout redonner espoir à une population épuisée par le délabrement de plus en plus poussé des services publics et par une crise économique qui semble ne pas avoir de fin.