Polémique autour de la scientifique qui a révélé l'affaire des bébés nés sans bras ou sans mains

AFP

"Lanceuse d'alerte" ou "irresponsable" qui "manipule l'opinion publique"? Emmanuelle Amar, la scientifique qui a rendu publique l'affaire des bébés nés sans bras dans l'Ain, est au centre d'une intense polémique, sur fond de problèmes de financement de la structure qu'elle dirige.

Emmanuelle Amar dirige le Remera, le plus ancien des six registres des malformations congénitales de France. Basée à Lyon, cette structure a été fondée en 1973 après le scandale du thalidomide, anti-nauséeux qui avait fait naître des milliers d'enfants sans bras entre 1957 et 1962.

Le registre a notamment aidé à montrer les conséquences de la prise de l'antiépileptique Dépakine pendant la grossesse.

Cet été, il a révélé que plusieurs bébés sont nés ces dernières années sans mains, bras ou avant-bras dans un périmètre restreint de l'Ain (7 naissances entre 2009 et 2014).

Deux autres groupes de cas ont été observés, en Loire-Atlantique (3 entre 2007 et 2008) et en Bretagne (4 entre 2011 et 2013).

Après enquête, l'agence sanitaire Santé publique France a conclu début octobre que le nombre de cas de l'Ain n'était pas statistiquement supérieur à la moyenne nationale.

A l'inverse, il y a bien, selon elle, un excès de cas en Loire-Atlantique et en Bretagne, mais qui restent sans explication.

Ces conclusions sont contestées par Mme Amar, soutenue par des élus écologistes comme Mme Rivasi ou Yannick Jadot. Malgré l'absence de toute preuve scientifique, ils pensent que des pesticides pourraient être à l'origine des malformations.

"Attaques odieuses"

"Protégeons ceux qui alertent sur un risque sanitaire", a lancé l'eurodéputée écologiste Michèle Rivasi jeudi lors d'une conférence de presse à Paris. Aux côtés de deux ex-ministres de l'Ecologie, Delphine Batho et Corinne Lepage, elle a exprimé son "soutien" à Mme Amar, qualifiée de "lanceuse d'alerte".

"Mme Amar n'est pas une lanceuse d'alerte", a répliqué l'épidémiologiste Ségolène Aymé dans un communiqué à l'AFP. Dans ce texte très virulent, cette directrice de recherche émérite à l'Inserm fustige les "mensonges" et "l'attitude irresponsable" de Mme Amar. Des "attaques calomnieuses", répond l'intéressée dans un entretien avec l'AFP.

"Mme Amar fait en sorte de jeter la suspicion sur tout et tous, dans la plus grande tradition complotiste", dénonce Ségolène Aymé, qui fait autorité dans son domaine puisqu'elle préside le comité chargé d'évaluer les registres, dont le Remera.

Elle souligne que l'existence d'un groupe de cas (appelé "cluster" en épidémiologie) peut, au final, être le fait du hasard. Pour cette experte, "la bonne attitude est de continuer à surveiller pour vérifier que le taux de malformations n'augmente pas avec le temps".

"Si j'étais une manipulatrice de médias, on n'en serait pas arrivé à la fin du Remera", rétorque Mme Amar, qui sera auditionnée mardi à l'Assemblée nationale.

Depuis plusieurs mois, elle s'inquiète pour l'avenir de sa structure, à laquelle la région Auvergne-Rhône-Alpes et l'Inserm ont retiré leur financement.

Il ne lui reste plus que les fonds de Santé publique France et de l'Agence du médicament (ANSM), soit 115.000 euros par an alors qu'il en faudrait 250.000, selon elle.

"Le financement a été supprimé au motif qu'on dérange", martèle-t-elle.

Du côté de la région, dirigée par Laurent Wauquiez (LR), on affirme que c'est un "manque de justification de dépense des fonds publics" qui explique le non-versement de la subvention de 2017.

Mme Aymé, elle, affirme que les financements de l'Inserm ont fini par être retirés car la directrice du Remera n'avait pas mis en oeuvre des mesures réclamées depuis 2012. Il s'agissait de "collaborer avec le réseau européen de registres de malformation" et de s'adosser à une équipe de recherche.

Le directeur général de l'agence Santé Publique France, François Bourdillon, a pour sa part dénoncé vendredi "une campagne calomnieuse" visant l'agence. Tout en estimant que le financement du Remera devait être "maintenu dans des conditions scientifiques qui soient claires".

Mme Amar peut toutefois compter sur le soutien du conseil scientifique du Remera, qui a dénoncé dans un communiqué des "attaques odieuses". "C'est quelqu'un de brillant, qui a du courage et de l'obstination", déclare à l'AFP Elisabeth Gnansia, présidente du conseil scientifique et ancienne directrice du Remera.

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