Violée 3 ans par son instit

Emmanuelle Praet
Violée 3 ans par son instit
©Frédéric Sablon

Lucien Wielemans, instituteur, a abusé d'une jeune fille de 12 ans. Il en a même fait un personnage de son livre!

MANAGE Durant cinq ans, Nathalie (prénom d'emprunt) a été abusée par Lucien Wielemans, son instituteur. Au fil des années, il était devenu l'ami de la famille. Tout comme sa femme, d'ailleurs
Outre le drame des abus sexuels, la famille doit à présent faire face à une autre difficulté: celle d'un livre destiné aux enfants rédigé par l'abuseur! Ce dernier, pervers jusqu'au bout, a utilisé le nom de sa victime dans les phrases d'exercice. `Ce livre Vaincre le vocabulaire a été édité en 1990. C'est précisément l'année où ma fille a été violée `, s'insurge la maman de Nathalie, Micheline. `Le livre est toujours en vente, malgré la condamnation de l'instituteur qui exerçait à Manage. J'ai demandé aux Editions Labor de suspendre la vente, mais ils ont catégoriquement refusé´.
Tout a commencé, il y a quelques années, puisqu'à présent, Nathalie a 25 ans. `Ma fille avait passé deux ans dans sa classe. En 5e et en 6 e primaires´, explique Micheline. `Il a été très malin car durant ces deux années, il ne s'est rien passé. Il a attendu la fin de l'année scolaire.´ Lors d'un voyage de fin d'études à Chamonix, Nathalie a fait une chute. `L'instit comme je l'appelle maintenant car pour moi, il n'a plus de nom, l'a consolée. Comme on était devenus amis au fil des années, il a proposé de l'emmener en vacances avec eux, en France´. C'est là que tout a commencé. Durant deux ans, Nathalie subira des attouchements. Ensuite, pendant trois longues années, il y a eu des viols.
Nathalie n'a rien dit. Par crainte d'avouer. De ne pas être crue. `Sa femme savait. Elle a surpris son mari et pourtant, elle n'a rien dit à la justice. Au contraire, elle fait des crises de jalousie, convaincue que ma fille voulait lui prendre son mari!´
En 1996, c'est le déclic après cinq ans d'abus. `Suite à des soucis financiers, je me suis retrouvée à faire des ménages chez eux. Le déclic s'est fait le 22 août 1996. Date de l'enterrement de Julie et Mélissa. Tout le monde en parlait. A la télé, à la radio. Lorsque le reportage a commencé à la télévision, Lucien s'est levé et a prétexté un rendez-vous avec des amis. Sa femme a éteint la télévision´. Micheline a ressenti un malaise. Subitement, le trouble de sa fille s'expliquait. En effet, au fil des années, Nathalie était devenue anorexique et dépressive. `A ses 18 ans, elle lui a tourné le dos. Elle refusait de le voir. De le prendre au téléphone ou de lire ses lettres. Maintenant, je comprends pourquoi´. Ne pouvant pas fuir son instinct, Micheline a interrogé sa fille. Cette dernière n'a pu que confirmer les soupçons de sa maman.
Plainte a été déposée. L'école a été avisée. `Je tiens à souligner que l'école a été très compréhensive. Bien que l'instituteur était très apprécié, la direction nous a crus. J'avais hésité à laisser mes deux enfants dans cet établissement, mais en fin de compte, j'ai continué à leur faire confiance´.
Cinq ans après le début de l'enquête, le tribunal a tranché en juin 2001: Lucien Willemans était coupable. Il a été condamné à deux ans de prison . `Il a fait appel. Depuis, on attend´. Micheline estime déjà avoir remporté une victoire. `Celle de la reconnaissance de la vérité. Cette condamnation signifie pour ma fille qu'elle a été crue à tous les échelons de la justice. Et ça, c'est plus important que la prison´. A présent, Micheline n'est pas au bout de ses peines. `Je souhaite que les livres qu'il rédigeait pour les enfants, qui sont utilisés par l'école ou qui sont vendus en grande surface, soient suspendus de diffusion´. Comment en effet ne pas être offusquée? Dès la première page du livre, le prénom de sa fille y est inscrit comme héroïne d'une petite histoire!
Ce livre a d'ailleurs été écrit l'année même ou les viols ont été commis. `A cette époque, Nathalie n'était plus dans sa classe, mais sa soeur y était!´ Et le livre est donc toujours en vente puisque la maison d'édition ne veut pas prendre en considération la demande de la maman...


Maison d'édition menaçante

Micheline voulait simplement que la vente soit suspendue Labor ne l'a pas entendu de la sorte

MANAGE Choquée en constatant la présence du nom de sa fille dès la première page du manuel scolaire, Micheline a logiquement pris contact avec les éditions Labor. `J'ai demandé que l'on suspende la distribution du livre par respect pour ma fille et sa famille´. La réponse de l'administratrice déléguée, Marie-Paule Eskhénazi est quelque peu troublante...
`Je pense que l'utilisation d'un prénom usuel, comme celui de Nathalie, votre fille, dans un ouvrage scolaire, ne cause aucun préjudice, sauf celui que vous ressentez à titre personnel´.
Après réception de cette lettre, Micheline a promis de les informer des suites données par le tribunal correctionnel. Et c'est ainsi que durant le mois de septembre, elle leur fit parvenir la condamnation de l'instituteur. Pensant sincèrement que les éditons, cette fois, serait sensible à la douleur d'une famille plongée dans le drame de la pédophilie. Quelle déception `Je ne peux que vous confirmer mes propos antérieurs. Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur une affaire personnelle´, répond l'administratrice déléguée. ´Les ouvrages publiés par notre maison d'édition ne concernent en rien cette affaire pour laquelle il y d'ailleurs un appel. D'autre part, le prénom Nathalie est un prénom tout à fait courant et mis à part vous-même et vos proches sensibilisés par votre propre situation, rien ne permet l'identification de votre fille. Il n'y a donc aucune raison objective de cesser ces publications. Il convient de toute façon d'attendre la fin de la procédure judiciaire pour se prononcer´.

Et des menaces en plus!

Outre le manque de compassion, d'humanité, de compréhension d'une maman et d'une fille qui souffre, l'administratrice déléguée a eu le culot d'y rajouter une pointe de menace: ´Je vous invite donc fermement à ne pas mêler notre maison d'édition, ni le nom de celle-ci à votre cause. A défaut, je serais obligée de transmettre le dossier à mon avocat´. Gloups!

E. Pr.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...