Les gloutons attaquent les `fast-food´
un groupe d'obèses américains vient d'annoncer le début d'une action en justice contre `Burger King´, `McDonald's´, `Wendy's´ et `Kentucky fried chicken´ pour les avoir incités à manger de la `nourriture causant l'obésité ainsi que des maladies´. La plainte, déposée à New York, évoque le fait qu'ils ont régulièrement été trompés en étant attirés par de la nourriture `graisseuse, salée et aussi sucrée´.
- Publié le 25-07-2002 à 00h00
A ttention, le sol est mouillé´, disent somme toute, mais bien sûr en anglais, les panneaux que posent au fur et à mesure les nettoyeuses lorsqu'elles jettent de l'eau à terre, dans certains états américains. Pas pour prévenir d'une évidence: on reconnaît facilement un sol glissant. C'est surtout pour dégager la responsabilité de leur employeur, car le quidam qui glisserait malgré tout ne le devrait décidément qu'à lui-même et, en cas d'incident, ne pourrait poursuivre personne devant des tribunaux dont les décisions ont parfois de quoi surprendre les Européens.
De même, les amateurs de fast-food sont avertis par affichettes, dans nombre d'établissements, que le café est chaud. Bizarre? Pas tellement, si l'on considère que l'un des `majors´ de la restauration rapide avait été condamné en 1994 parce qu'une dame s'était elle-même renversé du café sur le bas-ventre, se brûlant et obtenant à peine moins de 3 millions de dollars pour cela.
Dès lors, le nouveau cas qui se présente, s'il peut surprendre ici, pourrait être pris au sérieux de l'autre côté de l'Atlantique. Les faits: un groupe d'obèses américains vient d'annoncer le début d'une action en justice contre `Burger King´, `McDonald's´, `Wendy's´ et `Kentucky fried chicken´ pour les avoir incités à manger de la `nourriture causant l'obésité ainsi que des maladies´. La plainte, déposée à New York, évoque le fait qu'ils ont régulièrement été trompés en étant attirés par de la nourriture `graisseuse, salée et aussi sucrée´. Caesar Barbar, l'un des plaignants, 125 kilos, a même déclaré, rapporte le New York Post, que l'industrie du fast-food a démoli sa vie, car il a ingurgité hamburger sur hamburger jusqu'à ce qu'un médecin lui indique, en 1996, que son `régime´ pouvait le tuer. Presque trop tard, selon lui: il souffre de diabète et a été victime de deux attaques cardiaques.
L'excès nuit en tout
Certes, on sait que le problème de l'obésité inquiète les Etats-Unis. Plus de 50 millions d'adultes y sont (beaucoup) trop gros. Récemment, le président Bush a même donné l'exemple en participant ostensiblement à un parcours sportif, message anti-calories à la clef. De plus, il n'est guère douteux que la consommation exclusive de hamburgers et autres pâtes de poulet frit ne correspond pas au bol alimentaire idéal. Mais, pour autant, la responsabilité des chaînes de restauration doit-elle être engagée?
On verra ce qu'en dira le tribunal new-yorkais, mais en tout cas, l'optique européenne serait tout à fait défavorable à une telle plainte (lire ci-dessous). Toujours est-il qu'on comprend de prime abord mal comment des personnes s'étant laissées aller à la gloutonnerie - leur choix, leur responsabilité - peuvent ensuite en faire le reproche à des tiers. Car, à quelque endroit qu'on se trouve, chacun sait que manger trop, c'est se condamner à grossir.
Les mamans aussi?
Mais parce que chacun savait pourtant aussi que le café est servi chaud, on ignore si la remarque formulée par un porte-parole de l'industrie alimentaire sera prise en compte par le tribunal: `Deux tiers de la nourriture consommée aux Etats-Unis le sont à la maison. Propose-t-on de poursuivre aussi les mamans?´, demande-t-il.
Tim Kasten, un avocat américain du cabinet bruxellois Van Bael & Bellis, nous explique les raisons du doute, même s'il ne partage pas l'engouement des plaignants pour leur action. Il faut, résumerons-nous, se souvenir que le champ décisionnel des tribunaux est plus vaste qu'en Europe en matière de dommages (accordés parfois en millions voire en milliards de dollars), ce qui pousse certains avocats à insister auprès de clients potentiels pour qu'ils aillent en justice... parce que les honoraires peuvent être calculés au pourcentage desdits dommages.
© La Libre Belgique 2002
Le lien de cause à effet Catherine Longeval, avocate associée du bureau cité plus haut, explique qu'une telle démarche serait vaine en Belgique, qui suit les directives européennes. `Il faut tenir compte de la loi du 25 février 1991. Elle dit que le producteur est responsable d'un dommage causé par un défaut de son produit s'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre lors d'un usage normal ou raisonnablement prévisible. Or quelqu'un qui mange des choses grasses doit savoir que cela peut mener à l'embonpoint. Où est le défaut? La même loi prévoit que la preuve du dommage et celle du lien de cause à effet incombent à la personne lésée. Il faut donc d'abord démontrer qu'être gros représente un dommage, puis que cet état provient des hamburgers et non de ce que l'on mange ou boit ailleurs. Ce qui paraît impossible...´