Exploiter l'infirmité pour susciter la pitié

Aux carrefours, à l'entrée des bouches de métro ou encore à la sortie des grandes surfaces, ils sont de plus en plus nombreux à exhiber leur infirmité dans l'espoir d'émouvoir le chaland et lui arracher quelques euros. Une activité qui rapporte, faut-il croire, puisque le bataillon d'handicapés roumains ne cesse de grossir dans les grandes villes d'Europe occidentale. Combien sont-ils?

Rachel Crivellaro
Exploiter l'infirmité pour susciter la pitié
©Bauweraerts

Aux carrefours, à l'entrée des bouches de métro ou encore à la sortie des grandes surfaces, ils sont de plus en plus nombreux à exhiber leur infirmité dans l'espoir d'émouvoir le chaland et lui arracher quelques euros. Une activité qui rapporte, faut-il croire, puisque le bataillon d'handicapés roumains ne cesse de grossir dans les grandes villes d'Europe occidentale. Combien sont-ils? Personne ne le sait, il est très difficile d'infiltrer ce milieu. Reste qu'au parquet de Bruxelles, on ne parle plus d'un phénomène saisonnier, mais bien d'une industrie mafieuse de la mendicité.

Suppression des visas

Tant est si bien qu'aujourd'hui la justice belge enquête sur l'exploitation des personnes handicapées recrutées en Roumanie. `On leur promet notamment des interventions médicales telles que l'obtention de prothèses ou des opérations chirurgicales.´ En réalité, les trafiquants forcent leurs victimes - dès leur arrivée en Belgique - à mendier. `On leur fait parfois croire que l'argent sera envoyé à leur famille´, précise Anne Vauthier, coordinatrice de Pag-Asa, un des quatre centres d'accueil des victimes de la traite des êtres humains. Depuis le début de l'année, le phénomène a pris de l'ampleur. En cause: la suppression des visas pour les Roumains désirant entrer dans l'espace Schengen. Moyennant notamment la garantie de disposer de 100 € par jour (cf. ci-dessous), ils sont en situation régulière. Et les trafiquants ne se font pas prier pour avancer ladite somme à leurs `recrues´, de toute façon incapables d'en disposer. Le plus souvent roumains, les réseaux mafieux choisissent aussi leurs victimes parmi les nombreux orphelins du pays, privilégiant ceux qui présentent une infirmité. Mais le gros des troupes se constitue de Tsiganes, une des communautés les plus défavorisées de Roumanie. `Souvent, la famille au sens large qui se charge de mettre les enfants au travail. Il n'est pas rare non plus qu'elle se charge elle-même de les rendre handicapés en les mutilant ou en les tabassant jusqu'à provoquer une malformation´, explique Anne Vauthier. `La mendicité n'est pas une activité honteuse pour les Tsiganes. Souvent, les petits mendiants ne sentent même pas le regard que les passants posent sur eux...´ Pour l'heure, les autorités ne peuvent rien faire contre ce phénomène. A fortiori s'il ne s'agit pas de mineurs, car rien n'interdit la mendicité en Belgique. Celle-ci a certes conclu un accord de réadmission avec Bucarest, qui accepte de reprendre ses illégaux. Quant aux personnes expulsées parce qu'en contravention avec la loi, elles se voient confisquer leur passeport pour une période de 6 mois à 3 ans. En butte à une immigration beaucoup plus importante qu'en Belgique, la France a également choisi de coopérer avec Bucarest pour tenter de rapatrier les mendiants roumains.

© La Libre Belgique 2002

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