Dissoudre les groupuscules néo-nazis?
Se dirige-t-on vers la dissolution d'autorité des groupuscules d'extrême droite, et plus particulièrement du mouvement néo-nazi Unité radicale, duquel était issu Maxime Brunerie, l'homme qui a tiré sur le président Chirac le 14 juillet? Depuis l'attentat, la question est posée. Evoquant ces groupuscules, le garde des Sceaux Perben a assuré que leurs `dérives´ ne seraient plus tolérées. Et son collègue de l'Intérieur Sarkozy n'a pas écarté l' `éventualité´ d'une dissolution, a fortiori s'il apparaît que le tireur a agi en service commandé pour Unité radicale
- Publié le 17-07-2002 à 00h00
CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS
Se dirige-t-on vers la dissolution d'autorité des groupuscules d'extrême droite, et plus particulièrement du mouvement néo-nazi Unité radicale, duquel était issu Maxime Brunerie, l'homme qui a tiré sur le président Chirac le 14 juillet? Depuis l'attentat, la question est posée. Evoquant ces groupuscules, le garde des Sceaux Perben a assuré que leurs `dérives´ ne seraient plus tolérées. Et son collègue de l'Intérieur Sarkozy n'a pas écarté l' `éventualité´ d'une dissolution, a fortiori s'il apparaît que le tireur a agi en service commandé pour Unité radicale. Plusieurs associations anti-racistes, de défense des droits de l'homme ou luttant contre le négationnisme ont réclamé cette dissolution, de même que quelques personnalités et élus de gauche.
Il n'est pas sûr, toutefois, que les mouvements nazillons aient réellement quelque chose à craindre. Les autorités le savent: les interdire leur ferait surtout beaucoup de publicité, les sortirait de leur quasi-anonymat actuel, voire les ferait passer pour des martyrs. En outre les militants de ces groupuscules auraient vite fait de poursuivre leurs activités: soit en se recyclant dans des partis d'extrême droite ayant pignon sur rue - la porosité avérée entre Unité radicale et le MNR de Bruno Mégret le montre bien -, soit en créant sur les cendres de l'organisation dissoute une association soeur exactement semblable mais dotée d'un autre nom, voire d'un autre siège.
C'est d'ailleurs exactement ce qui se passa en 1968, lorsque, comme dix-sept organisations du même acabit, le mouvement d'extrême droite Occident fut dissous. Dès le lendemain, deux organisations clones lui succédèrent, dont le Groupe Union Défense (GUD), un des groupuscules fondateurs d'Unité radicale.
Une étonnante vitalité
Le même phénomène se produisit à chaque vague d'interdiction de groupes d'extrême droite, que ce soit dans les années 30 (Les Ligues), à la fin des années 50 (les groupuscules ultra-nationalistes) ou au début des années 70 (Ordre nouveau). Chaque fois, la nébuleuse extrémiste parvint à se ressaisir et à poursuivre ses activités. Les leaders d'Unité radicale ont d'ailleurs d'ores et déjà prévenu qu'ils avaient pris leurs `précautions´ pour, en cas d'interdiction, renaître immédiatement `avec un autre nom, sous une autre forme´.
Peu efficace, la dissolution des mouvements ou partis extrémistes est aussi considérée par certains comme un alibi confortable. On le vit encore à la bronca qui, après le premier tour des élections présidentielles, salua la suggestion faite par le ministre socialiste Mélenchon d'interdire le Front national. C'est `casser le thermomètre´ dans l'espoir de faire baisser la fièvre, ironisa à l'époque le chiraquien Pierre Bédier. Il fait plutôt lutter contre les causes de l'extrême droite, renchérit le socialiste François Hollande. Quant à l'écologiste Daniel Cohn-Bendit, il qualifia sans ambages la suggestion de `débile´...
© La Libre Belgique 2002