`La Sabena a vu trop grand, trop vite´
Après le Suisse Paul Reutlinger mardi, c'est l'Allemand Christoph Müller, dernier patron de la Sabena, qui était entendu hier par la commission Sabena. Variations autour de quelques grands thèmes. Pour Christoph Müller, la trahison de Swissair a précipité la fin de la Sabena.Mais cela n'explique pas tout: la stratégie d'expansion était aussi hasardeuse
- Publié le 16-07-2002 à 00h00
Après le Suisse Paul Reutlinger mardi, c'est l'Allemand Christoph Müller, dernier patron de la Sabena, qui était entendu hier par la commission Sabena. Variations autour de quelques grands thèmes.
Son arrivée à la Sabena. Arrivé en décembre 1999 à la Sabena, Christoph Müller a avoué avoir pensé dès début 2000 à renoncer à sa mission. `Lors de mon engagement, personne ne m'avait informé de l'existence de l'AMP (NdlR: structure commerciale commune entre Sabena et Swissair) et de la perspective d'une prise de contrôle rapide de Sabena par Swissair´. Quatre semaines après son entrée en fonction, Christoph Müller précise avoir informé son conseil d'administration de la nécessité de recapitaliser la Sabena. `Cela a eu l'effet d'une douche froide pour les administrateurs´.
La commande de 34 Airbus en 1997. `La question était de savoir si la Sabena pouvait se permettre de changer tous les avions de sa flotte en seulement 4 ans. Il y avait plus de pilotes en formation que dans les cockpits des avions! Le timing était erroné: je n'ai jamais vu cela dans l'industrie du transport aérien. Le nombre de 34 avions me paraît exagéré. Je ne dis pas qu'il n'y avait pas d'étude sérieuse à la base de cette décision mais je ne l'ai pas vue´, a expliqué Müller. Mardi, Paul Reutlinger avait expliqué qu'un `development plan´ existait. Problème: le document dont dispose la Commission Sabena est datée du 22 décembre 1997... alors que l'achat des Airbus remonte au mois de novembre. `Entre 95 et 1999, la Sabena a réalisé des investissements qui équivalent à deux fois la capitalisation boursière de Swissair. La Sabena aurait pu acheter deux Swissair! Pour absorber l'offre créée par le renouvellement de la flotte, l'aéroport de Zaventem aurait dû croître de 10 pc par an pendant 10 ou 15 ans!´.
La recherche d'une porte de sortie. A partir de mai 2001, Christoph Müller prend contact avec certaines compagnies pour voir si elles sont intéressées à prendre la place de Swissair. Sans succès. `Jusqu'au 11 septembre, je pensais qu'il était encore possible de s'en sortir. Après, la situation est devenue désespérée, plus aucune compagnie n'étant disposée à investir le moindre dollar dans la Sabena´.
L'accord de l'hôtel Astoria. Pour rappel, cet accord - très controversé et conclu en juillet 2001 - prévoyait que l'actionnaire suisse recapitalise une dernière fois la Sabena en échange de l'extinction des plaintes en justice introduites par l'Etat belge. Début octobre, Swissair ne versera pas le moindre centime. Pourtant, Christoph Müller estime que le gouvernement a pris la bonne décision. `C'était la meilleure façon de procéder pour avoir de l'argent rapidement. Jamais, je n'ai pensé que Swissair ne tiendrait pas sa parole et je n'avais pas de raison de douter de la bonne foi de ceux qui ont négocié cet accord´, a-t-il expliqué admettant que des assurances supplémentaires - en clair des garanties bancaires - auraient pu être exigées sur le plan financier. Müller a expliqué avoir reçu le samedi 29 septembre - soit deux jours avant le versement de Suisses - un coup de fil d'Erik Follet (AMP) lui laissant entendre que Swissair s'apprêtait à transférer ses actifs vers Crossair. Une réunion d'urgence a alors lieu au 16, rue de la Loi. `Nous étions sous le choc mais l'hypothèse que Swissair ne payerait pas n'était pas privilégiée´, a ajouté Müller.
Le conseil d'administration. `Cela fonctionnait plutôt bien. Je dirais que le conseil d'administration de la Sabena était consensuel: il n'y a jamais eu de vote au sein du conseil´.
La faillite de la Sabena. `Le déclencheur de la faillite, c'est le défaut de paiement de Swissair. Je pense très honnêtement que certaines parties ont crû jusqu'a la dernière minute que l'Etat belge allait recapitaliser la Sabena. On ne pouvait pas imaginer la Belgique sans la Sabena. On a eu tort: lorsqu'une entreprise n'a plus d'argent, elle ferme ses portes. Tous les administrateurs y ont réfléchi à deux fois mais nous n'avions pas d'autres choix que de faire aveu de faillite car nous n'avions plus d'argent pour faire voler les avions´.
© La Libre Belgique 2002