Un accord européen sur le télétravail
D'ici 2010, le nombre de télétravailleurs triplera en Europe! Enfin un texte qui définit cette forme de travail différente et ses modalités... Le texte signé par la CES, l'UNICE et le CEEP dissipe les malentendus jusqu'ici liés à l'absence de définitions. Les États membres ont trois ans pour traduire le texte sur le terrain
- Publié le 15-07-2002 à 00h00
L a plus importante des raisons pour commencer à travailler de la sorte était la durée de mes déplacements´, témoigne Renilde, traductrice salariée dans une société internationale et télétravailleuse depuis cinq ans. `J'habite les Ardennes. Je mettais cinq heures par jour pour me rendre à Bruxelles par train.´
Pour elle et les 4,5 millions d'actuels télétravailleurs en Europe (dont environ 150000 en Belgique), les partenaires sociaux européens ont signé ce mardi à Bruxelles un important accord-cadre. C'est que le groupe-cible est appelé à tripler, pour atteindre la barre des 17 millions en 2010!
Non seulement opportune, l'initiative est aussi une première. Jamais jusqu'ici, les partenaires sociaux ne s'étaient accordés à l'unanimité et spontanément sur un principe qui ne sera pas traduit via une directive européenne, mais bien via les organisations présentes sur le terrain dans chacun des pays membres.
Le texte signé par la CES, l'UNICE et le CEEP dissipe les malentendus jusqu'ici liés à l'absence de définitions. Par télétravail, on entendra désormais `toute forme d'organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l'information, dans le cadre d'un contrat ou d'une relation d'emploi, dans laquelle un travail qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors de ces locaux, de façon régulière´.
L'accord-cadre confirme que cette forme de travail revêt un caractère exclusivement volontaire, tant pour le salarié que pour l'employeur qui fournira à son `télépersonnel´ des informations écrites pratiques et pertinentes (identité du supérieur immédiat, description du travail,...) Il prévoit aussi que les télétravailleurs bénéficient de droits équivalents à ceux des autres salariés (santé, et sécurité, organisation du travail, respect de la vie privée, formation et droits collectifs, y compris l'appartenance à une organisation syndicale). Le texte précise également que le passage au télétravail en cours de contrat ne peut pas affecter le statut du travailleur et est réversible.
L'employeur est encore tenu de fournir, installer et entretenir les équipements nécessaires à la mission du télétravailleur, dont il supporte aussi les coûts annexes, ainsi que d'apporter un appui technique, le cas échéant.
Quand et comment l'accord sera-t-il mis en oeuvre? Les partenaires sociaux européens proposent un délai de trois ans. Chaque pays membre travaillera évidemment à son rythme en fonction de ses propres réalités. Un référent spécifique permettra alors de régler d'éventuels conflits. Actuellement en Belgique, par exemple, on peut utiliser les lois sur le travail à domicile, sur le bien-être au travail et sur les accidents de travail. Mais aucune n'est parfaitement adaptée. Puissent les définitions adoptées hier, dans leur adaptation, éclairer les zones d'ombres qui, parfois, débouchent sur des abus (lire ci-contre).
© La Libre Belgique 2002
Du mythe aux effets pervers Travailler à la maison, une aubaine? Pas toujours évident! Même si le télétravail s'inscrit en plein dans la stratégie en matière d'emploi prônée par le Sommet de Lisbonne et que, c'est vrai, la formule peut répondre aux aspirations de liberté, de préservation de l'environnement (finis, les bouchons!) et de bon équilibre entre carrière et vie privée, certains dénoncent les effets pervers du système. `Insidieusement, il peut répondre à une volonté de l'entreprise d'accroître la productivité des travailleurs voire le temps de travail´, affirme Laurent Taskin dans son étude (Télétravail: enjeux et perspectives dans les organisations, UCL-IAG, 2002). Autres déviances: le resserrement des contraintes, la disparition des temps de pause, le manque d'accord sur qui paiera la facture (l'entreprise se charge généralement des coûts dits fixes, en oubliant les périphériques). En outre, les spécialistes s'accordent pour mettre en garde les candidats: l'auto-organisation n'est pas à la portée de tout le monde!