L'Europe de la sexualité reste à faire

Anne Van Lancker est eurodéputée socialiste belge. Son rapport sur la santé et les droits sexuels et génétiques a suscité des débats houleux la semaine dernière au Parlement européen de Strasbourg. Voté par 280 voix contre 240, il appelle à un avortement légalisé, sûr et accessible à tous dans l'Union européenne, mais il n'aura aucune force de loi, la santé restant du ressort des Etats membres

VÉRONIQUE LEBLANC
L'Europe de la sexualité reste à faire
©D.R.

ENTRETIEN

CORRESPONDANTE À STRASBOURG

Anne Van Lancker est eurodéputée socialiste belge. Son rapport sur la santé et les droits sexuels et génétiques a suscité des débats houleux la semaine dernière au Parlement européen de Strasbourg. Voté par 280 voix contre 240, il appelle à un avortement légalisé, sûr et accessible à tous dans l'Union européenne, mais il n'aura aucune force de loi, la santé restant du ressort des Etats membres.

Votre rapport a été violemment contesté par certains eurodéputés qui trouvent qu'il se mêlait de ce qui ne regarde pas l'Europe? Que leur répondez-vous?

Mon rapport ne demande pas une harmonisation de la législation européenne sur la contraception et l'avortement. Il plaide pour un apprentissage mutuel. Lors d'une visite dans les pays candidats à l'adhésion, j'ai été choquée par la disparité des situations, entre ces pays d'une part, et entre ces pays et l'Union d'autre part. En Roumanie par exemple, les avortements sont dix fois plus nombreux que dans l'Union européenne.

L'Europe est multiple. Des pays légalisent l'avortement, d'autres, comme le Portugal et l'Irlande, continuent à l'interdire...

Les disparités sont plus subtiles. On sait notamment que les avortements sont six fois plus élevés au Royaume-Uni qu'en Hollande. Ce ne sont évidemment pas les femmes qui sont différentes d'un pays à l'autre. La Hollande a peut-être trouvé une réponse que d'autres Etats pourraient étudier à leur tour.

Le but de votre rapport est donc de faire prendre conscience aux Etats qu'ils ont des choses à apprendre les uns des autres?

Il faut qu'ils s'informent et que les citoyens soient informés. C'est essentiel à l'heure de la libre circulation des personnes. Tout le monde sait que beaucoup de Portugaises et d'Irlandaises qui souhaitent avorter se rendent en Espagne ou au Royaume-Uni. C'est absurde de vouloir fonctionner comme si les frontières étaient étanches.

L'Irlande. Ne craignez-vous pas que votre rapport pèse lourd alors que se profile le second référendum de ratification du traité de Nice? On a dit que le `non´ irlandais au premier référendum aurait - en partie - été dû à la crainte que l'Europe finisse par forcer l'Irlande à légaliser l'IVG...

Il semble que l'avortement ne soit pas un thème qui interfère dans le référendum. Les Irlandais paraissent plus inquiets de perdre leur neutralité lors de futures opérations militaires européennes...

Quoi qu'il en soit, ils sont très largement en faveur de l'élargissement et savent que leur vote est capital pour ce processus.

Le vote de ce rapport représente-t-il une victoire à vos yeux?

Très modérée. Le Parti populaire européen (PPE), le plus important groupe au sein du Parlement, s'est ligué contre ce texte. J'avais espéré convaincre certains députés PPE que ce rapport était avant tout un document de promotion de la santé mettant en exergue l'information et la maîtrise de la contraception.

Les pays qui prônent une large information sur la sexualité, qui permettent un accès facile à la contraception et légalisent l'avortement sous conditions connaissent les taux d'IVG les plus bas. C'est une réalité dont on peut tirer des enseignements. Mais je ne suis pas arrivée à mes fins. Un seul député PPE nous a suivis, 18 se sont abstenus. Le rapport a été voté grâce à la coalition des socialistes, des libéraux, des verts et de la Gauche unie européenne.

Ce rapport a-t-il un avenir?

Certainement. C'est le début d'un processus.

© La Libre Belgique 2002

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