Kaboul dans l'horreur

H. Le.
Kaboul dans l'horreur
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Un vice-président assassiné devant son bureau

KABOUL Haji Abdul Qadir, l'un des trois vice-présidents de l'Afghanistan, a été assassiné devant son bureau samedi dans le centre de Kaboul.
Nul n'a revendiqué l'assassinat et, si dix gardiens des lieux ont été appréhendés, on ignore pour l'heure quel était le commanditaire du meurtre. Certains parlent d'éléments taliban encore en activité, mais, remarque Rahimullah Yusufzai, rédacteur en chef d'un journal pakistanais et expert de l'Afghanistan, `Haji Qadir avait tant d'ennemis que cela peut être beaucoup de monde´.

Le chef de l'Etat afghan Hamid Karzaï a mis sur pied une commission d'enquête de cinq membres chargée de faire la lumière sur cet acte. Elle est dirigée par un autre vice-président, Karim Khalili. `Il est trop tôt pour dire qui est à l'origine de l'assassinat. Karzaï est profondément affecté par sa mort. Il est triste en tant qu'Afghan, il est bouleversé parce qu'il perd un membre éminent de son gouvernement et un Pachtoune´, a dit le porte-parole de la présidence.

Une véritable exécution

Aux Etats-Unis, George W. Bush a condamné l'assassinat du vice-président et estimé que sa mort ne faisait que renforcer la volonté de Washington de ramener la stabilité en Afghanistan. Prié de dire si à son avis des éléments `terroristes´ étaient responsables de l'assassinat, il n'a exclu aucune hypothèse: `C'est peut-être cela, peut-être des barons de la drogue, peut-être des rivaux de longue date. Tout ce que je sais c'est qu'un homme est mort et que nous pleurons cette perte´.

Trente-six balles ont été tirées. Le pare-brise de son véhicule 4x4 a volé en éclats et l'un de ses côtés a été criblé d'impacts. L'intérieur de la voiture et le sol étaient maculés de sang.

Chef de guerre originaire de l'Est afghan, Qadir était l'un des rares Pachtounes de l'Alliance du Nord, `il est donc possible qu'il soit apparu comme une cible parce qu'il passait pour avoir trahi les taliban´, estime un spécialiste des questions afghanes.

Les taliban appartenaient à l'ethnie pachtoune, la première communauté afghane, alors que l'Alliance du Nord était dominée par des Tadjiks.

Le chauffeur de Qadir a aussi été tué dans l'attentat et deux passagers ont été blessés, ont rapporté des témoins qui ont ensuite fait courir la rumeur selon laquelle l'assassinat pourrait avoir été perpétré par des éléments taliban, qui considèrent Qadir comme un traître à l'ethnie pachtoune.

L'assassinat de Qadir met en évidence les difficultés auxquelles doit faire face le président Hamid Karzaï quelques semaines après avoir fait approuver par la Loya Jirga (grand conseil traditionnel) un nouveau gouvernement chargé d'arracher le pays à 23 ans de guerre et de préparer des élections dans un délai d'un an et demi. Un véritable défi dans ce pays morcelé qui n'est toujours pas parvenu à faire taire les taliban ni les chefs de guerre locaux.

© La Dernière Heure 2002


Un puissant proche de Karzaï

Le ministre, originaire de Jalalabad savait qu'il était menacé

KABOUL Haji Abdul Qadir, personnalité controversée, était un proche du président afghan Hamid Karzaï, Pachtoune comme lui, mais il faisait aussi partie de l'Alliance du nord, la coalition militaire anti-taliban, dominée par l'ethnie tadjike, que dirigeait le commandant Ahmad Shah Massoud jusqu'à son assassinat en septembre.
Ses obsèques sont prévues ce dimanche matin. Sa dépouille sera ensuite transportée à Jalalabad, son fief de l'est de l'Afghanistan, pour être enterrée dans le tombeau familial. Mardi sera journée de deuil national.

La mort de Haji Qadir est intervenue alors que Kaboul connaissait les heures les plus calmes de son histoire récente.

Haji Qadir est le deuxième ministre assassiné depuis la chute des taliban. En février, le ministre de l'Aviation civile, Abdul Rahman, avait été tué sur le tarmac de l'aéroport de Kaboul. Selon la version officielle, il a été lynché par des pélerins en partance pour La Mecque, mécontents du retard pris par les avions. D'après plusieurs responsables de l'administration afghane, il a été assassiné lors d'un règlement politique.

Selon des témoins qui ont parlé, cinq personnes se trouvaient dans le véhicule tout-terrain de Haji Qadir.

En plus du vice-président, deux personnes ont été tuées et deux ont été blessées.

Condamnation internationale

L'assassinat a été condamné par de nombreux responsables étrangers, qui ont exprimé leur souci de la stabilité en Afghanistan. Le président américain George Bush, le secrétaire britannique au Foreign Office Jack Straw, le ministre allemand des affaires étrangères Joschka Fischer et le ministère français des affaires étrangères ont déploré le meurtre, de même que le président pakistanais Pervez Musharraf et le ministère iranien des affaires étrangères.

L'ancien roi d'Afghanistan, Mohammed Zaher Shah, a estimé que l'assassinat portait `un coup très dur au processus de stabilité dans le pays´.

Haji Qadir avait pris ses fonctions au ministère des Travaux publics à l'issue de la Loya Jirga, la grande assemblée traditionnelle qui s'est déroulée du 11 au 19 juin à Kaboul.

Ce leader des tribus pachtounes de l'est de l'Afghanistan était auparavant gouverneur de la province du Nangarhar (est) et ministre du Développement urbain dans l'administration intérimaire.

Haji Qadir, un puissant et riche chef de guerre de la région de Jalalabad, était le frère de Abdul Haq, un héros et martyr moudjahidine, capturé et tué par les taliban en octobre dernier alors qu'il essayait de convaincre des chefs tribaux de se retourner contre la milice fondamentaliste.

Hamid Karzaï avait confié à Haji Qadir un des cinq postes de vice-présidents du pays dans le cadre d'un plan global pour éloigner les chefs de guerre de leurs fiefs régionaux.

Politique d'ouverture

`Haji Qadir était un chef de guerre qui avait été convaincu par Hamid Karzaï de venir à Kaboul, de coopérer avec le gouvernement central et de permettre au gouvernement central d'étendre son pouvoir à l'est de l'Afghanistan, a déclaré un spécialiste des questions afghanes. C'était un développement très positif (...) et le signal aux autres chefs de guerre qu'ils devraient faire la même chose.´

M. Karzaï a fait entrer d'autres leaders régionaux dans son administration, nommant le seigneur de la guerre ouzbek Abdul Rashid Dostam au poste de vice-ministre de la défense dans sa première administration intérimaire, et trouvant aussi un portefeuille pour Ismail Khan, qui domine sans partage la région de Hérat, dans l'ouest de l'Afghanistan. L'objectif était d'étendre le pouvoir des nouvelles autorités au-delà de Kaboul et d'accroître la sécurité dans l'ensemble du pays. A. P.

© La Dernière Heure 2002

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