Avignon, ouverture au grand angle
Le Festival d'Avignon, fondé en 1947 par le comédien, metteur en scène et directeur de troupe Jean Vilar, reste le plus grand rendez-vous de théâtre en langue française au monde. Définition non limitative, puisque la danse y prend une place sans cesse croissante et que l'on y voit nombre de productions étrangères
- Publié le 03-07-2002 à 00h00
Le Festival d'Avignon, fondé en 1947 par le comédien, metteur en scène et directeur de troupe Jean Vilar, reste le plus grand rendez-vous de théâtre en langue française au monde. Définition non limitative, puisque la danse y prend une place sans cesse croissante et que l'on y voit nombre de productions étrangères.
Dans son texte d'introduction au programme de cette 56e édition, le directeur, Bernard Faivre d'Arcier, rappelle qu'Avignon se veut un lieu qui rassemble, parfois en les confrontant, les publics et les esthétiques.
Son programme, composé d'une majorité de création (nouvelles productions d'oeuvres parfois très connues et découverte de textes inédits), se veut varié voire éclectique: `L'enjeu n'est pas de faire avaler à des consommateurs des produits culturels , écrit-il. Il est exactement son contraire. Donner à des artistes l'occasion de confronter leurs oeuvres, non seulement à leurs pairs, mais au public le plus large possible.´
Tchekhov entre en Cour
De ces tendances, les deux spectacles présentés cette année dans la Cour d'honneur, lieu emblématique du Festival (lire ci-dessous), font la synthèse. L'oeuvre d'Anton Tchekhov, pourtant réputée intimiste, y fait sa première apparition, grâce à une nouvelle production de `Platonov´, mis en scène par Eric Lacascade (du 5 au 15 juillet).
Ce Lillois de 44 ans, fondateur naguère avec Guy Alloucherie du Théâtre du Ballatum et directeur depuis 1997 du Centre dramatique de Normandie / Comédie de Caen, avait fait l'événement l'été dernier à la Baraque Chabran avec une trilogie tchékhovienne. Le Festival lui a proposé de monter Marivaux dans la Cour; il a préféré poursuivre son exploration du médecin russe. Celle-ci fera les frais de l'ouverture officielle du Festival ce vendredi soir.
`noBody´, from Berlin
Le second spectacle de la Cour d'honneur (du 19 au 27 juillet) est une création mondiale de la chorégraphe allemande Sasha Waltz (codirectrice, avec le jeune Thomas Ostermeier, de la Schaubühne de Berlin). Dans `noBody´, sur fond de musique électronique et de réminiscences d'une Pompéi dévastée et figée dans ses cendres, vingt-six danseurs vont clore la trilogie que la chorégraphe a imaginée sur le corps et la mort -dont les deux premières parties s'appelaient `Körper´ et `S´.
Telles sont donc les deux têtes de pont d'une programmation d'une cinquantaine de spectacles parmi lesquels le festivalier -dont le séjour moyen dans la Cité des Papes est de quatre à cinq jours-, doit forcément choisir au gré de ses affinités, de ses humeurs et des places disponibles.
Gageons qu'on se pressera pour voir Michel Bouquet dans le fabuleux `Minetti´ de Thomas Bernhard. Mis en scène par Claudia Stavisky au Théâtre municipal, Bouquet, à la différence de son personnage -un acteur vieillissant renouant avec un art qu'il a quitté 30 ans plus tôt par excès d'exigence-, n'est en rien oublié du public. Et a fortiori de celui d'Avignon, puisqu'il fut de l'aventure du premier Festival, en 1947!
La carrière Boulbon, à quelques kilomètres de la ville, le long du Rhône, fut révélée par un Anglais avec un spectacle devenu légendaire, le `Mahabharata´ adapté de la tradition indienne par Jean-Claude Carrière. C'est un autre anglo-saxon, le metteur en scène Stuart Seide, aujourd'hui directeur du Théâtre du Nord à Lille, qui y donne cette année rendez-vous, avec une adaptation du `Quatuor d'Alexandrie´ de Lawrence Durrell. Quatre heures pour les quatre journées que narrent les mille pages de la tétralogie de Durrell: un fameux défi.
Le metteur en scène québécois Denis Marleau a jeté son dévolu sur `Les Aveugles´ de Maurice Maeterlinck: l'oeuvre du prix Nobel gantois semble connaître un regain de faveur. L'écrivain australien Daniel Keene poursuit sa percée en France: sa `Marche de l'architecte´ sera au Cloître des Célestins, dans une mise en scène de Renaud Cojo. Le chorégraphe Josef Nadj évoquera `Les Philosophes´ du Polonais Bruno Schulz, à travers un spectacle multimédia mêlant exposition, vidéo, musique et danse. Etc.
Le `off´ asphyxié?
Si le programme du Festival `in´ est soigneusement composé par l'équipe dirigeante, le `off´ se caractérise par une effervescence totalement spontanée. Le meilleur y côtoie le pire, le plus souvent dans une ferveur qui rachète bien des approximations. Cette fois, avec quelque 700 spectacles proposés par 200 lieux, la cote d'alerte semble atteinte. D'aucuns s'alarment d'une possible auto-asphyxie de la manifestation parallèle. A suivre...
Infos: 00.33. (0) 4.90.14.14.60. Location: 00.33. (04).90.14.14.14.
© La Libre Belgique 2002