L'homosexuel sous toutes ses couleurs

Ces 22 et 29 juin, France 3 raconte l'émancipation des homosexuels en France.`Bleu, blanc, rose´ garde vivante la mémoire d'un combat difficile déjà oublié.La première partie explore les années 1971 à 1984, des contestations à l'insouciance.

B.J.L.
L'homosexuel sous toutes ses couleurs
©Bauweraerts

I l y a eu tout un mouvement qui fait que maintenant on puisse aller en boîte et embrasser une fille sans se faire casser la gueule. Il faut le dire ça. C'est grâce à ces hommes et femmes qu'on a pu prendre le relais´. La mémoire. Sylviane, née dans les années 50, une `prolo ´, lesbienne, et ses amies touchent juste, car c'est le coeur du documentaire réalisé par Yves Jeuland. `Bleu blanc rose, trente années de vie homosexuelle en France´ retrace en quatre temps, en quatre couleurs, la ` longue marche´ et l'émancipation de la communauté gaie et lesbienne: les années rouges (1971-79), les années roses (1979-84), les années noires (1983-91) et les années rainbow (1992-2002).

En quatre temps, en quatre couleurs, mais aussi en quatre témoignages, d'hommes et de femmes de quatre générations différentes. Les histoires de Sylviane, Alain, Romain et Faïza, leurs peurs, leur coming out, leur époque, les parcours qu'ils racontent s'imbriquent dans le récit que nous livrent les documents d'archives et d'actualité, ainsi que les interventions de 12 grands témoins, des acteurs sociaux ` homos ´ et ` hétéros ´, qui posent un regard sur les mouvances qui ont conduit à l'affirmation de toute une communauté. Pour mieux comprendre, pour ne pas oublier.

Ne pas oublier qu'il y avait, dans un passé pas si lointain, la répression. Que, jusqu'en 1981, l'homosexualité était jugée comme un délit. Que la science cherchait à trouver la maladie ou la différence physiologique à l'origine de ce ` fléau ´, aussi grave que l'alcoolisme, la prostitution ou la tuberculose, comme l'estimait à l'époque un député gaulliste. Que les homosexuels devaient se cacher.

`Les pédés dans la rue´

Ainsi, ce soir, dans la première partie du film, couvrant les années 1971-84, on retourne à la racine du mouvement, radical et contestataire. `

Ah! oui! que c'est bon de se faire enculer! ´ ` Les pédés dans la rue! ´ ` Nous sommes les fléaux de la société! ´ C'était le temps des slogans révolutionnaires pour revendiquer le droit d'être, tout simplement. De la naissance du Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR) à la création de la radio Fréquence Gaie et du journal Gai Pied, en passant par les prises de position courageuses ou cinglantes de figures emblématiques françaises comme Jean-Louis Bory et Guy Hocquenghem, on explore les événements qui ont pavé le chemin aux années d'insouciance, à la création de plusieurs lieux ` gays ´ et à la dépénalisation de l'homosexualité, promise et réalisée par le président François Mitterrand. Même si le documentaire s'ancre dans l'histoire française, il tire des leçons universelles. Il rappelle aussi les paradoxes de l'émancipation des homosexuels. Si la société a vécu des bouleversements rapides à cet égard, certains changements prennent toujours du temps à s'opérer. Les préjugés ne tombent que lentement.

Exubérance et carcans

Autant certains homosexuels s'affirment, parfois de manière exubérante, autant d'autres vivent prisonniers des mêmes carcans, souffrent justement des mêmes préjugés. Plusieurs séquences du film sont frappantes à cet égard tant elles sont toujours actuelles. La conquête récente d'acquis sociaux par la communauté homosexuelle, qui se poursuit toujours, a fait l'objet d'une couverture médiatique plus importante. Pourtant, rappelle le jeune réalisateur Yves Jeuland, aucun documentaire ne s'était penché sur leur histoire récente. Avec Bleu blanc rose, il a comblé ce vide et ravivé la mémoire, trop vite oubliée, d'une émancipation difficile.

© La Libre Belgique 2002

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