Un nouvel axe Téhéran-Bruxelles ?
- Publié le 11-06-2002 à 15h57
Le courant passe apparemment fort bien entre la Belgique et l'Iran
BRUXELLES Il faut dire que la République islamique a bien besoin du soutien des pays européens, après s'être fait accuser par le président américain George W. Bush comme étant l'un des centres de l'axe du mal soutenant le terrorisme international : ainsi, le premier ministre belge, M. Guy Verhofstadt, devrait se rendre prochainement en Iran, et le président iranien, M. Mohammed Khatami, un réformateur, en Belgique.
C'est ce qui est ressorti des entretiens de plus d'une heure et demie qu'on eus mardi à Téhéran dans le cadre d'une visite de travail bilatérale le vice-premier ministre et ministre belge des affaires étrangères, M. Louis Michel, et son homologue iranien, M.
Kamal Kharrazi. Les deux hommes se connaissent fort bien et M. Kharrazi, dont le pays n'est pas spécialement courtisé par le clan occidental, et qui a vu son isolement diplomatique renforcé par les accusations américaines, s'est plu à souligner l'amitié très profonde, la richesse qui caractérise, selon lui, les relations belgo-iraniennes.
MM. Kharrazi et Michel ont pu constater l'un et l'autre que les relations entre Bruxelles et Téhéran s'étaient développées dans un sens positif depuis la visite effectuée par M. Michel en septembre dernier, dans le cadre de la Troïka européenne alors que la Belgique assurait la présidence de l'U.E., au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis. Une époque où les Etats-Unis comptaient sur l'action de l'Union européenne pour relancer le dialogue avec l'Iran dans l'espoir d'un ralliement de Téhéran à la coalition anti- terroriste internationale et à l'adoption d'une attitude moins radicalement anti-israélienne dans le conflit au Proche-Orient.
Cette attitude de Washington a bien changé depuis les déclarations incendiaires du président Bush. La visite belge cette semaine à Téhéran a été mal vue, non seulement par les autorités américaines, mais aussi israéliennes, qui n'ont pas ménagé les pressions pour convaincre la Belgique de renoncer à ce projet, indiquait-on ce mardi de source sûre. Sans parler des critiques de l'opposition iranienne, notamment celle du Conseil National de la Résistance (moudjahédine, résistance armée), qui a vu dans cette visite une soutien au pouvoir iranien en place, accusé par le CNR de se livrer à une purge physique de ses sympathisants et aussi à de nombreuses exactions.
Un rapprochement avec l'UE
L'Iran place tous ses espoirs dans l'Union européenne pour réintégrer sa place dans le concert des nations et est prêt à participer à la lutte contre le terrorisme dans le cadre d'une coopération internationale générale sous l'égide des Nations Unies a déclaré mardi à Téhéran le ministre iranien des Affaires étrangères, M. Kamal Kharrazi, à l'issue d'entretiens avec son homologue belge, M. Louis Michel, en visite de travail bilatérale.
M. Kharrazi n'a développé plus en avant ces intentions, préférant souligner l'importance que son pays attache à l'UE, que l'Iran espère voir adopter lundi prochain à Luxembourg, à l'occasion d'un Conseil des ministres des Affaires étrangères des Quinze, un mandat de négociation en vue de l'adoption ultérieure d'un accord commercial et de coopération euro-iranien.
Mais les chances de voir un tel accord se mettre en place à Luxembourg, après un premier échec le mois dernier à Bruxelles, demeurent maigres. Certains Etats membres traditionnellement proches de Washington, comme la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, ne veulent pas aller trop vite en besogne pour réaliser l'objectif européen d'un approfondissement des relations euro-iraniennes, a-t-on expliqué de sources diplomatiques occidentales à Téhéran.
Nous sommes prêts à nous engager avec l'Union européenne, a expliqué M. Kharrazi, soulignant lors d'un point de presse le degré de réformes accomplis en Iran, visant à une plus grande démocratisation et à davantage de respect des droits de l'homme, à nul autre pareil dans la région. Pour l'Iran, la Belgique est le pays qui a ouvert la voie à son repositionnement international, lors de sa présidence de l'UE, à la fin de l'an dernier, par la voie du dialogue et de la coopération, a indiqué M. Kharrazi.
Mais depuis, il y a eu les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et les déclarations de Washington. Le ton utilisé par les Etats-Unis est pour le moins excessif à notre égard, a déclaré M. Kharrazi, qui n'a cependant pas exclu un rapprochement avec les Etats-Unis. Tout est possible, mais il faut que des relations se construisent dans le respect mutuel et sur un pied d'égalité, alors qu'aujourd'hui, les Etats-Unis nous humilient et nous menacent, a-t-il noté.
Vis-à-vis d'Israël, que l'Iran ne reconnaît pas, M. Kharrazi a expliqué que Téhéran souhaitait la paix dans la région mais a insisté sur le fait que les racines du conflit israélo-palestinien étaient l'occupation par les Israéliens des territoires palestiniens et les violations des droits des Palestiniens. Ils ont le droit de résister dans les conditions actuelles, a-t-il ajouté.