Le grand rendez-vous de l'art
Ouverte pour la première journée, aux seuls professionnels, soit environ 3000 journalistes et artistes, sous un ciel lourd mais ensoleillé, la Documenta 11 a connu en fin de journée la pluie diluvienne. De quoi mettre à l'abri les vendeurs de glaces délégués aux endroits stratégiques par l'artiste brésilien Cildo Meireles (1948, Rio de Janeiro) qui pose aussi quelques questions sur les rapports entre l'art, sa production, son sens et l'économique
- Publié le 06-06-2002 à 00h00
À KASSEL
Ouverte pour la première journée, aux seuls professionnels, soit environ 3000 journalistes et artistes, sous un ciel lourd mais ensoleillé, la Documenta 11 a connu en fin de journée la pluie diluvienne. De quoi mettre à l'abri les vendeurs de glaces délégués aux endroits stratégiques par l'artiste brésilien Cildo Meireles (1948, Rio de Janeiro) qui pose aussi quelques questions sur les rapports entre l'art, sa production, son sens et l'économique.
D'emblée, par ce biais est posé l'un des thèmes principaux de la manifestation placée sous la direction artistique de Okwui Enwezor, le premier commissaire non européen de ce grand rendez-vous de l'art contemporain qui a lieu tous les cinq ans. En effet, né en 1963 à Calabar au Nigeria, critique d'art fondateur d'un journal sur l'art africain contemporain, commissaire indépendant qui dirigea la seconde Biennale de Johannesbourg (1997), travaillant et vivant à New York, Okwui Enwezor est donc un Africain oeuvrant dans les réseaux internationaux de l'art. À cet égard sa sélection qui comprend une quinzaine de plasticiens africains, tous déjà reconnus, n'offre guère de surprise dans le sens où très peu de jeunes artistes sont véritablement à découvrir.
La patte du commissaire
L'enjeu de cette exposition ne se situe donc clairement pas là, mais dans le choix très précis des oeuvres dont certaines ont été produites pour la circonstance et surtout dans leur contenu définissant une ligne de réflexion générale du commissaire, sur l'art contemporain et ses implications multiples.
Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais dès une première prise de contact globale, il est évident que le propos retenu vise la mise en perspective du monde actuel par les artistes, tant sur le plan économico-social que politico-social et culturel, eu égard au néo-libéralisme ainsi qu'à la mondialisation.
Montrer le monde
Si l'atelier de l'artiste, un capharnaüm pris en tant que champ d'expérimentation est parfois considéré comme la base des recherches et réflexions, et donc présenté comme un chaos d'où sortiront des propositions, celles-ci sont, aujourd'hui et ici, essentiellement des images du monde autant si pas plus empruntées que fabriquées par les artistes.
Sous toutes les formes, dessins, installations, peu de peintures, surtout des photos, des vidéos et des projections dans lesquelles se manifeste le désir cinématographique, le but est de montrer, de faire voir, de forcer à voir, pour tenter de comprendre.
La majorité des oeuvres sélectionnées dont certaines datent des vingt dernières années, preuve qu'il s'agit bien d'un choix précis du commissaire, se situent à la lisière du document, du reportage, du témoignage. Elles laissent à la fiction la part congrue, le phénomène du constat ciblé sur toutes les difficultés que rencontre notre monde actuel en situation de profonde mutation.
Elles soulignent des états de danger, de précarité, d'incertitudes multiples, de violences aussi, issus souvent de situations antérieures mais que la globalisation actuelle se montre incapable de résoudre dans le court terme et qui, dès lors, se formulent en inquiétudes profondes, mais parfois aussi, chez les plus jeunes artistes souvent, sous forme d'espoirs.
Eva et Adèle
La majorité des oeuvres, entre lesquelles se promènent les toujours ineffables Eva et Adèles, modèles hermaphrodites de l'art, sont d'une belle qualité classique et d'une profondeur soutenue, dans un réinvestissement esthétique où le beau se charge souvent de questions graves. La Documenta est ouverte jusqu'au 15 septembre.
Documenta 11. Plateforme 5, Fuedrisplatz, 18, Kassel (All.). Du 8 juin au 15 septembre. Tous les jours de 10 à 20 heures. Info: Webhttp://www.documenta.de
© La Libre Belgique 2002