Le kidnapping, une industrie prospère

L'enlèvement de citoyens ordinaires relève du triste quotidien en Colombie.Le pays bat tous les records avec près de 3.000 kidnapping par an.Une industrie qui permet avant tout à la guérilla de poursuivre la guerre.

Rachel Crivellaro
Le kidnapping, une industrie prospère
©EPA

La prolifération de la technique du kidnapping n'est pas l'apanage de la seule Colombie, mais - en la matière - ce pays détient bien le triste record. L'enlèvement de la candidate à la présidence pour le parti écologiste en Colombie, Ingrid Betancourt, ne constitue que l'arbre qui cache la forêt. Actuellement, 13 députés colombiens sont toujours privés de liberté, ainsi qu'un ancien ministre et l'actuel gouverneur d'Antioquia, dans la région de Medellin. De même, quelque 55 officiers et sous-officiers de l'armée ou de la police nationale sont entre les mains des différents groupes armés illégaux. Outre ces enlèvements à caractère politique, la vie et la liberté d'environ 3.000 civils sont mises à prix en Colombie.

Si le rapt pour un individu constitue déjà une éprouvante épreuve personnelle, il peut aussi avoir de terribles répercussions tant psychologiques qu'économiques sur son entourage. Qui plus est, élevé au rang d'`industrie´ - comme c'est le cas en Colombie -, il acquiert alors une dimension de fléau international aux interminables conséquences. `Payer la rançon signifie sauver la vie de la victime, mais c'est aussi contribuer à entretenir la guerre´, explique Carlos Alvarez, réalisateur d'un documentaire sur l'industrie colombienne du kidnapping. Tête pensante de cette florissante industrie, la guérilla colombienne finance en effet largement ses activités guerrières de cette manière.

Selon des données de la `Fondation Pays Libre´ (une ONG spécialisée dans l'assistance aux victimes du kidnapping), 77 pc des 3.000 kidnappings qui sont commis chaque année en Colombie sont commis par les Farc (Forces armées révolutionnaires colombiennes) et l'ELN (l'Armée de libération nationale). L'enlèvement avec extorsion est devenu une pratique criminelle qui - après le trafic de drogue - constitue la seconde source de financement du conflit armé colombien. En Colombie, on enregistre une moyenne de 8 enlèvements par jour.

Violation internationale

De cette manière, l'enlèvement est devenu aujourd'hui une des violations les plus graves contre le Droit international humanitaire dans l'hémisphère occidental. En effet, la situation a acquis, en outre, un caractère transnational. Au cours des huit dernières années, 90 Européens ont été enlevés en Colombie, parmi lesquels neuf Français. Sur les personnes kidnappées pendant l'année 2001, treize Européens continuent à être retenus prisonniers.

C'est en partant de cette réalité que la section néerlandaise de l'organisation catholique internationale `Pax Christi´ - qui travaille depuis 35 ans en Colombie - a commencé une campagne de lutte contre le kidnapping en novembre 2001. Après une première conférence à La Haye et la publication d'un premier rapport, intitulé `L'industrie du kidnapping en Colombie, un trafic qui nous concerne ?´, `Pax Christi Hollande´ poursuit son action en réalisant une tournée de présentation et de sensibilisation dans les capitales européennes. `Ceci afin de promouvoir une politique commune européenne, capable de contribuer à la lutte contre cette pratique´.

Depuis 1996, au moins 1 million de Colombiens ont quitté le territoire, estimant l'Etat incapable de les protéger de ce danger. Par ailleurs, la crainte de l'enlèvement - qui touche de plus en plus les étrangers de passage - a poussé de nombreux pays occidentaux à déconseiller à leurs ressortissants de se rendre en Colombie. Un exode qui en dit long sur les effets pervers de cette véritable industrie de la guerre.

© La Libre Belgique 2002

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