Les nouvelles règles du paysage audiovisuel

Richard Miller peut s'en aller au festival de Cannes le coeur léger... Après avoir engrangé, il y a une semaine, le nouveau décret RTBF, le ministre de l'Audiovisuel a fait atterrir, jeudi, un autre `méga´ chantier inscrit au menu de la législature arc-en-ciel: la refonte de toutes les législations existantes réglementant le secteur de l'audiovisuel francophone belge.

PIERRE-FRANÇOIS LOVENS

Richard Miller peut s'en aller au festival de Cannes le coeur léger... Après avoir engrangé, il y a une semaine, le nouveau décret RTBF, le ministre de l'Audiovisuel a fait atterrir, jeudi, un autre `méga´ chantier inscrit au menu de la législature arc-en-ciel: la refonte de toutes les législations existantes réglementant le secteur de l'audiovisuel francophone belge.

Si l'avant-projet de décret adopté jeudi par le gouvernement de la Communauté française apparaît fort dense (149 articles!), il a pour premier mérite de remettre enfin de l'ordre dans une législation rendue de plus en plus illisible au fil des modifications des décrets audiovisuels de 1987 et 1997. Le choix a été fait de tout remettre à plat et d'intégrer l'ensemble des dispositions (TV, radios privées, CSA, télédistributeurs, publicité, etc.) dans un texte unique et cohérent. M. Miller en a aussi profité pour mettre notre législation au goût du jour des chamboulements technologiques (dont l'avènement de la télévision numérique) et juridiques (règles européennes).

Le nouveau décret abandonne l'approche ancienne fondée sur les opérateurs de radiodiffusion au profit d'une logique de fonctions. Trois types d'activités ont été identifiés: l'édition de services, la distribution de services et les opérateurs de réseaux.

Editeurs de services. Sont essentiellement concernées les chaînes de télévision et les radios. La grosse nouveauté concerne le régime d'autorisation des opérateurs/éditeurs télévisuels. Il est mis fin au système des conventions individuelles conclues entre chaque opérateur et le gouvernement de la Communauté française. Désormais, on aura un régime d'autorisation commun à tous les éditeurs, à l'exception notoire du `droit de distribution obligatoire´ (le fameux must carry qui oblige les télédistributeurs à diffuser un certain nombre de chaînes). Il reviendra au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de vérifier si le candidat-éditeur respecte un certain nombre de conditions (telles que le soutien aux producteurs indépendants). Hormis la RTBF, TV 5 et les télévisions locales, les opérateurs privés ne bénéficieront plus de plein droit du must carry. Ce droit deviendra exceptionnel; il fera l'objet d'une convention très restrictive négociée directement avec le ministre de l'Audiovisuel.

Distributeurs de services. Avec l'avènement du numérique et des `multiplexages´, cette fonction est appelée à croître fortement. Pas question, dans ce cas-ci, d'un régime d'autorisation, mais bien d'une obligation de déclaration préalable. Le décret prévoit des mesures assurant une segmentation de l'offre tout en assurant un minimum de services au public à un prix raisonnable.

Opérateurs de réseaux. Ceux-ci seront notamment tenus de négocier - sans pouvoir imposer de conditions déraisonnables ou discriminatoires - avec tout distributeur de services demandant un accès à leurs réseaux de télédistribution. En matière de fréquences radio, le nouveau décret modifie la donne puisque, désormais, le gouvernement arrêtera la liste des fréquences attribuables tandis que le CSA les assignera entre opérateurs.

Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cinq ans après la réforme de 1997, l'organe de régulation se voit à nouveau conforté. Le CSA, qui garde son statut d'autorité administrative indépendante (lequel sera consolidé lors du passage du décret en deuxième lecture), voit son champ d'action étendu puisqu'il pourra désormais exercer sa compétence de contrôle et de sanction sur la RTBF (et non plus uniquement sur les opérateurs privés). Par ailleurs, moyennant les nuances évoquées ci-avant, le CSA deviendra compétent pour l'octroi de toutes les autorisations. On épinglera encore la fusion des Collèges d'avis et de la publicité. La gamme des sanctions a en outre été élargie.

Divers. Lors des toutes dernières discussions intercabinets, le projet de décret - sur lequel le CSA doit se prononcer dans le mois - s'est enrichi de certaines dispositions. Parmi elles: une rallonge de 371 840 euros pour des projets de formation des enfants au décodage des publicités; un mécanisme `anti-trust´ destiné à éviter qu'un groupe audiovisuel porte atteinte au pluralisme et à la liberté de choix des téléspectateurs/auditeurs (le CSA aura pour mission de mettre le feu à l'orange); M. Miller est chargé de solliciter le gouvernement fédéral pour l'encourager à interdire la pub pour les médicaments, le tabac et l'alcool; enfin, l'obligation de créer une société des journalistes dans toutes les télévisions et radios reconnues par la Communauté française.

© La Libre Belgique 2002

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