Savants calculs
La page des présidentielles est déjà tournée dans les états-majors politiques, qui n'ont plus d'yeux que pour les législatives des 9 et 16 juin et pour les arrangements pré-électoraux qu'elles requièrent, à gauche comme à droite.
- Publié le 14-05-2002 à 00h00
CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS
La page des présidentielles est déjà tournée dans les états-majors politiques, qui n'ont plus d'yeux que pour les législatives des 9 et 16 juin et pour les arrangements pré-électoraux qu'elles requièrent, à gauche comme à droite.
Des arrangements pour faire barrage à l'extrême droite, d'abord, même si cette menace doit être relativisée. Vu le mode de scrutin majoritaire, si les lepénistes réitèrent aux législatives leur score des présidentielles, ils se hisseront très souvent au second tour mais, au final, n'empocheront guère plus d'une demi-douzaine de députés, sur les 577 que compte l'Assemblée. Des arrangements pour forcer l'issue d'un scrutin dont les résultats paraissent assez incertains, ensuite et surtout. Certes, la logique (la dynamique créée par la réélection de Jacques Chirac) et la tradition (les législatives suivant les présidentielles confortent généralement le Président élu) jouent en faveur de la droite. Mais en dépit du plébiscite chiraquien du 5 mai, la droite a tout de même perdu près de 4 millions de voix depuis 1995. Et on ne peut exclure que le choc créé à gauche par l'échec de Lionel Jospin entraîne la mobilisation d'un électorat progressiste culpabilisé par ses divisions et ses abstentions d'hier. Enfin, on connaît le goût des Français pour la cohabitation, vue par une bonne partie de l'opinion comme un sain et naturel équilibrage des forces politiques.
Du coup, à droite comme à gauche, on tente de prendre un minimum de risques et de présenter le front le plus uni possible à l'adversaire. C'est souvent ardu, et la tension monte au fur et à mesure qu'on approche de l'échéance du 19 mai à minuit, date limite de dépôt des candidatures.
A droite, la puissante machine de guerre chiraquienne de l'Union pour la majorité présidentielle (UPM) a investi ou reconnu 533 candidats puis absorbé sans trop de peines le camp libéral d'Alain Madelin, que son score de 3,9 pc au premier tour a décrédibilisé politiquement et ruiné financièrement. Mais les centristes de l'UDF François Bayrou - qui, le 21 avril, a sauvé la mise (6,8 pc) - renâclent, eux, à se laisser phagocyter par le magma chiraquien. Au risque que la droite se déchire dans des primaires, ils ont donc prévu de présenter leurs propres candidats dans une centaine de circonscriptions.
Des zizanies du même acabit frappent la gauche. Ainsi, socialistes et chevènementistes - désormais à couteaux tirés, les premiers accusant notamment les seconds d'être responsables de la défaite de Jospin - n'ont même pas cherché à s'entendre. L'ancien ministre a beau être lâché par nombre de ses supporters, il présentera ses propres candidats dans 400 circonscriptions. Les trotskistes de la LCR et de LO ne se sont pas davantage mis d'accord. Quant aux ex-alliés socialistes, communistes, écologistes et radicaux, ils peinent depuis dix jours sur 120 malheureuses candidatures uniques, candidatures de rassemblement ou désistements mutuels à conclure là où la gauche risque d'être absente du second tour.
DES FREINS À L'UNION
Bien entendu, les subtils arbitrages politiques, inévitables dosages géographiques et autres improbables parachutages de dernière minute expliquent le caractère laborieux de ces rassemblements, tout comme les exigences en matière de parité, qui viennent encore compliquer la donne. Mais les freins à l'union ont aussi des origines très prosaïques.
Ils tiennent d'abord aux ambitions personnelles et aux stratégies purement carriéristes. Ainsi, si François Bayrou et Alain Juppé, le vrai patron de l'UMP, sont tellement à cran, c'est probablement dû en partie à leurs ambitions rivales pour les présidentielles de 2007. Ces réticences traduisent aussi des préoccupations souvent très terre à terre. En effet, la réglementation relative au financement public des partis politiques incite à la dispersion voire à l'éparpillement, les subventions aux partis étant notamment octroyées en fonction du nombre de candidats présentés en nom propre et du nombre de voix obtenues au premier tour.
© La Libre Belgique 2002