Heinzmann trahi par la politisation?
Le nouvel administrateur délégué renonce à son poste. En cause: son entourage lui aurait été imposé
- Publié le 30-04-2002 à 00h00
CORRESPONDANCE PARTICULIÈRE
À LUXEMBOURG
Tout a commencé par une pagaille certaine, mardi en fin de journée, au siège de la compagnie aérienne nationale luxembourgeoise Luxair. Les réunions qui s'y succédaient portaient sur rien moins que le maintien de Christian Heinzmann à son poste de directeur général. Celui que le Conseil des ministres avait nommé, il y a juste une semaine, nouvel administrateur délégué de la SNCB venait d'informer les organes de direction de Luxair qu'il voulait renoncer à ses nouvelles fonctions belges et souhaitait rester patron de la compagnie aérienne grand-ducale. Luxair s'est abstenue de toute communication officielle à ce propos et aucune décision n'a encore été prise. Mais nous pouvons affirmer qu'un référendum organisé à la hâte, mardi, a déjà donné un résultat largement en faveur de M. Heinzmann.
Nous avons joint Christian Heinzmann mercredi dans la matinée, mais il s'est refusé à toute réponse sur sa décision qui a été officiellement annoncée l'après-midi même par la ministre de la Mobilité et des Transports, Isabelle Durant (Ecolo), revenue d'urgence de Paris où elle manifestait contre l'extrême droite. Elle a précisé avoir pris acte de cette démission, affirmant comprendre les motifs qui ont amené M. Heinzmann à prendre sa décision , y voyant notamment la preuve de la résistance au changement de la SNCB.
Reste que tous ceux qui, ces derniers jours, ont rencontré le déjà futur ex-administrateur délégué, sont unanimes pour dire que Christian Heinzmann, d'habitude affable et passionné, paraissait peu enthousiaste. Des proches de M. Heinzmann au Luxembourg, joints mercredi, nous ont indiqué que ce qui motive son choix, c'est le fait que des informations lui auraient été tues et d'autres tronquées par le gouvernement et que les syndicats, surtout la CGSP, lui auraient déjà déclaré une guerre totalement injustifiée. Ceci outre les rumeurs relatives aux recours contre sa désignation et à des contacts très inquiétants qu'il aurait eus depuis le week-end.
UN COMITÉ DE DIRECTION IMPOSÉ
D'excellentes sources au sein du gouvernement belge nous ont effectivement confirmé hier, sous couvert d'anonymat, que M.Heinzmann n'a pas été avisé de ce que le Conseil des ministres, lors de la même réunion qui avait nommé les administrateurs et l'administrateur délégué, avait aussi désigné deux directeurs généraux dont un, Vincent Bourlard, imposé par le PS, disposait de la double signature (nouvelle procédure obligatoire à la SNCB). Le second était Jean-Claude Fontinoy (PRL), qui avait postulé en tant que président, mais auquel Onkelinx s'est opposée jusqu'à la quasi-hystérie, nous a indiqué une source du Conseil. Or, si M. Heinzmann est connu pour être un excellent manager, il l'est aussi parce qu'il a toujours su s'entourer de personnes (logiquement) choisies par lui et particulièrement compétentes. Hasard: dans les jours qui ont suivi sa nomination, Christian Heinzmann a fait des déclarations indiquant qu'un des secteurs de la SNCB où remettre de l'ordre s'imposait était l'immobilier. En ignorant, nous disent nos sources, que Vincent Bourlard, via la filiale Euro Liège-TGV, est un élément important de la stratégie du PS à ce niveau.
Rappelons que M. Heinzmann a affirmé à plusieurs reprises avoir téléphoné le mercredi matin (24 avril) pour dire qu'il retirait sa candidature, qu'on a souhaité qu'il la maintienne ne serait-ce que parce que les contacts avec les autorités luxembourgeoises étaient déjà en cours, puis avoir appris qu'il était nommé sans même un délai de réflexion permettant de peser tous les éléments d'un dossier aussi complexe.
Il faut noter que rien n'empêchait en effet le gouvernement de se donner le temps: la loi prévoit la continuité des missions de service public, et donc de fonctionnement du conseil d'administration. A preuve, la moitié du conseil aurait dû être remplacée en octobre, mais siégeait toujours jusqu'il y a huit jours.
SCHOUPPE ET LES SYNDICATS
Il est tout aussi clair que M.Heinzmann a sans aucun doute considéré que le fait d'être un peu le choix par défaut - C'était lui ou Schouppe, dit-on au gouvernement - était tout sauf la reconnaissance de ses compétences. Enfin, cet homme de dialogue a d'évidence très mal pris l'attitude des syndicats, en particulier du patron de la CGSP, qui ne se sont pas privés de critiquer sa nomination et d'annoncer des périodes dures. Tout en indiquant qu'ils estimaient que M. Schouppe avait été un bon gestionnaire pour la SNCB. Ce qui en dit long sur un double jeu CGSP, voire sur le soutien des socialistes à l'ex-administrateur délégué, murmurait-on hier dans les sphères gouvernementales belges.
© La Libre Belgique 2002