Luc Varenne a rendu l'antenne
Le mythique commentateur sportif de la RTBF Luc Varenne est décédé à l'âge de 88 ans. Cela faisait déjà plus de vingt ans qu'il goûtait une retraite bien méritée mais on avait parfois l'impression que ces éclats volubiles résonnaient encore comme un écho dans le poste. Une voix s'est éteinte mais le souvenir, impérissable, demeure.
- Publié le 29-04-2002 à 00h00
ÉVOCATION
Cela faisait déjà plus de vingt ans que Luc Varenne goûtait une retraite bien méritée mais on avait parfois l'impression que ces éclats volubiles résonnaient encore comme un écho dans le poste. Il se faisait discret, n'aimant pas trop se faire photographier parce qu'il voulait que les gens, ses gens, gardent de lui l'image d'un reporter robuste aux boucles de charmeur malgré une calvitie qu'il dissimulait sous un éternel béret basque. La dernière fois où il accepta de jouer le jeu médiatique ce fut pour ses 80 printemps, il y a huit ans déjà.
Malade depuis quelque temps, il n'avait plus vraiment le moral alors qu'il avait abordé sa retraite avec une certaine confiance, mais lucide, dans la vie: `J'attends le bout du chemin le plus gaiement possible´, avait-il déclaré à notre confrère Eddy Przybylski de `La Dernière Heure´ pour son 80e anniversaire. `Les gens ont, de moi, l'image d'un homme gai et optimiste. En réalité, je ne suis jamais complètement satisfait et je suis aussi un grand angoissé. Je vis avec la mort en permanence. Mais, ma foi, je prends le dessus...´ Mais la faucheuse l'attendait, de toute façon, au tournant.
Né à Tournai, le 8 février 1914, celui qui ne s'appelait pas encore Luc Varenne mais bien Alphonse Tetaert fut un jeune homme studieux et appliqué. Au point de décrocher un doctorat en droit dont il ne fera jamais usage. Il se destinait au professorat mais la guerre allait décider de son destin.
Pour des raisons que l'on ignore - et qu'on ne demande jamais - il s'engagea à La Légion étrangère, au 1er Régiment d'Infanterie, sous le matricule 78 195. C'était en 1938. `Ces dernières années, il venait régulièrement à notre évocation annuelle du Cameron (NdlR: date symbolique de la Légion en raison d'une résistance héroïque d'une poignée de légionnaires contre l'armée mexicaine en 1863)´, nous explique Mme Vrydaghs qui s'occupe, avec son époux, de l'amicale des anciens de Bruxelles. `La prochaine était ce 30 avril et il m'avait dit qu'il ferait l'impossible pour être là. La mort en aura décidé autrement.´
Il resta cinq ans à la Légion et combattit notamment Rommel lors de la campagne de Tunisie. Il termina son temps avec le grade de sergent et fut même appelé à l'école des officiers de Cherchell, en Algérie, vu ses états de service. Mais le consul général le pria de rejoindre les Forces belges en Angleterre.`Au moment d'embarquer pour Londres, en mai 1943´ aimait-il raconter à notre confrère Pierre Thonon du `Pourquoi Pas´. `Une dame m'a demandé d'emporter une lettre pour son mari avec qui elle avait remporté de nombreux concours de danse avant la guerre. Il s'appelait Georges Dumont et travaillait à la Radio nationale belge, au 40 Eton Place. Après coup, je me demande si cette dame ne s'appelait pas madame Destin plutôt que madame Dumont.´ En effet, a peine avait-il remis la lettre à son destinataire qu'il fut abordé par Théo Fleischman. Il avait besoin d'une voix comme la sienne pour l'émission quotidienne `Les Belges vous parlent de Londres...´. `Entré dans l'immeuble le battle-dress pour 5 minutes, je me retrouvais engagé pour la vie...´ Et doublement puisque c'est également à Londres qu'il rencontra une jeune anglaise (de mère belge) qui n'allait pas tarder à devenir son épouse.
La suite, on a l'impression de mieux la connaître. Création de toutes les rubriques sportives de la RTB sans F au temps où l'INR squattait la Maison de la Radio de la Place Flagey. Avec, on l'oublie trop souvent, une première mondiale: le reportage en direct des matches de foot, fin 46. Trente tours de France depuis 1948 avec des sommets, au propre comme au figuré, quand il sanctifia la première victoire d'Eddy Merckx. Vous pensez, un Belge trente ans après Sylvère Maes, il y avait de quoi s'étrangler quand on s'appelait Luc Varenne. Sans parler des cinq heures d'affilée pour le double (victorieux) Washer-Brichant contre les Italiens lors de la finale européenne de la Coupe Davis en 1957. C'est lui aussi qui forma les Bachelier, Vaillant et consorts qui ont perdu aujourd'hui un ami et un maître.
Aujourd'hui, il a rejoint le monde du silence. Ça va être difficile pour lui.
© La Libre Belgique 2002
C'est à l'hedomadaire `Ciné-Revue´, en 1973, qu'il confia ce poignant témoignage. `Tom était un coureur d'une gentillesse inouïe. Il avait fait un rêve: celui de porter le maillot jaune et de gagner le Tour de France. Il était d'ailleurs en jaune quand tout est arrivé. Il a cru que, pour être certain de gagner, il fallait prendre un adjuvant, ce qu'on appelle le doping. Deux fois, en roulant, il s'est piqué aux amphétamines. Il avait des petites seringues spéciales comme beaucoup de coureurs à cette époque-là... Tom Simpson était parti en tête. Puis, dans le Ventoux, il a vu qu'on le rattrapait, qu'il était en train de perdre le Tour. Il lui restait une ampoule en poche. Pour lui, elle était mortelle. Il a brusquement vacillé. Je le suivais, je l'ai vu. C'était terrible. Le lendemain, dans mon émission du matin où, d'habitude, je recevais tous les coureurs, personne n'est venu à mon micro. C'était la désolation dans le peloton. Tout le monde était malheureux. On aurait offert un cachet d'aspirine à un coureur, il l'aurait refusé. Tellement la leçon de Tom Simpson avait été cruelle (...) L'année suivante (NdlR: 1968) les contrôles anti-doping étaient instaurés. Il avait fallu la mort d'un homme pour qu'il en soit ainsi.´ Et on était encore loin d'un certain 7 juillet 1998.