La France des extrêmes

P.D.-D.
La France des extrêmes
©EPA / Montage DH

Un électeur sur trois devrait voter dimanche pour l'extrême droite ou l'extrême gauche

PARIS . Jean-Marie Le Pen risque de retrouver son score de 1995 (15%) malgré la perte des suffrages au profit de Bruno Mégret, son ancien bras droit qui réussirait à grappiller de 1 à 2% des votes.
La pasionaria de Lutte Ouvrière, Arlette Laguiller, a su à ce point galvaniser les `travailleuses et travailleurs´ qu'un électeur sur dix pourrait lui accorder ses faveurs lors du premier tour des élections présidentielles de dimanche. Longtemps largué dans les sondages, son compère trotskiste de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Olivier Besancenot, se rapproche depuis quelques jours de la barre des 5%. Seul Daniel Glukstein (Parti des Travailleurs) reste à la traîne dans cette mouvance trotskiste, avec un maigre 0,5% des intentions de vote.
L'addition de ces différents scores ne manque pas d'interpeller: les votes cumulés de l'extrême droite et de l'extrême gauche pourraient donc dépasser la barre des 30%. Du jamais vu outre-Quiévrain.

Les trotskistes, toutes tendances confondues, bénéficient sans doute en premier lieu de la désillusion de nombre d'électeurs de la gauche plurielle face au bilan de cinq ans de gouvernement Jospin, le Premier ministre socialiste mettant souvent le cap au centre afin de courtiser l'électorat centriste, clé de la course à l'Elysée.

Lors de sa première intervention télévisée en tant que candidat déclaré à l'élection présidentielle, Lionel Jospin avait d'ailleurs cru bon insister sur le fait que son programme `n'était pas socialiste´. Le candidat... socialiste a toutefois gauchisé son discours au fil des semaines, afin de récupérer ses électeurs passés avec armes et bagages chez Lutte Ouvrière (de 1 à 2%).

Révolutionnaire

Car la donne politique a bien changé depuis les dernières présidentielles. Les Verts et le parti communiste (PC) avaient jusqu'à présent largement canalisé le vote protestataire de gauche. `Les socialistes pouvaient auparavant mener campagne au centre, laissant le parti communiste récupérer ses électeurs déçus´, résume à cet égard Arlette Laguiller. Ces temps semblent révolus.

Cinq années de participation au gouvernement de Lionel Jospin ont encore un peu plus clairsemé les rangs des électeurs du parti communiste, dont la descente aux enfers a débuté lors des législatives de 1978 lorsque pour la première fois de l'histoire le PC avait été battu par le PS.

Pour la base communiste traditionnelle, le PC a vendu son âme au PS pour conserver quelques strapontins ministériels, sans avoir aucune prise directe réelle sur le processus de décision gouvernemental. Et c'est même un ministre communiste, Jean-Claude Gayssot, qui a lancé la privatisation des sociétés gérant le réseau autoroutier hexagonal.

Puisque le vote PC n'a pas réussi à contrecarrer les dérives centristes du PS, rien ne sert de commettre la même erreur ce dimanche. Le PC se retrouve donc dans le 36e dessous, Robert Hue peinant même à dépasser la barre des 5% dans les sondages.

Lutte Ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire ont tiré les marrons du feu de cette désillusion. Arlette Laguiller, qui amusait auparavant la galerie avec un discours anticapitaliste totalement anachronique, n'a cessé de grimper dans les sondages, ce qui lui a valu de se retrouver soudainement prise sous le feu des critiques et attaques de la part d'un PS et d'un PC qui l'avaient longtemps superbement ignorée.

Quant au jeunot - 27 ans - Olivier Besancenot, il a presque décuplé ses intentions de vote depuis le début de la campagne officielle grâce semble-t-il à des interventions réussies et appréciées à la télévision. Comme quoi le langage révolutionnaire peut encore séduire au 21e siècle.

Le Pen reste dans le coup

Il pourrait même talonner Jospin

PARIS Toujours plus, malgré les polémiques, les dérapages et les trahisons? L'extrême droite française devrait à nouveau s'offrir un score canon lors du scrutin de dimanche. `La bande des quatre croyait nous avoir éliminés et bien tant pis pour eux, ils vont le payer´, lance ainsi Jean-Marie Le Pen, l'indéracinable leader du Front national. Et si ses déclarations sur sa présence au deuxième tour peuvent à première vue prêter à sourire, ces forfanteries ne sont pas loin de correspondre à la réalité mathématique offerte par les sondages. Les 15% de Jean-Marie Le Pen au premier tour des élections présidentielles de 1995 lui avaient permis de talonner le Premier ministre sortant Edouard Balladur (18%). Cette fois, c'est Lionel Jospin qui pourrait sentir le souffle de l'extrême droite dans la nuque. Le FN, en effet, est crédité de 14% des intentions de vote dans certains suffrages, soit à peine moins qu'en 1995 lorsque l'extrême droite était unie sous la même bannière. Bruno Mégret, qui a claqué la porte du FN en 1998, obtiendrait entre 2 et 3%. Soit, pour les deux frères ennemis, un score cumulé de 16 à 17%! Et, traditionnellement, le score de l'extrême droite est supérieur aux estimations, une frange de son électorat répugnant à avouer sa préférence politique. Et si l'on y ajoute le score des candidats traditionnalistes - Christine Boutin et Jean Saint-Josse - qui ont décliné la proposition du leader d'extrême droite de se désister en sa faveur, le réservoir de voix de Jean-Marie Le Pen tourne désormais autour des 20%! Or, Lionel Jospin navigue dans certaines enquêtes d'opinion autour des 17%. C'est dire si l'écart entre le Premier ministre Jospin et Jean-Marie Le Pen pourrait se révéler ténu dimanche soir, pour autant, bien entendu, que les sondages ne se fourvoient pas. Comment expliquer ce rebond? Le discours sur l'insécurité, banalisé depuis le début de la campagne notamment par un Jacques Chirac prompt à la récup, crédibilise le fonds de commerce du leader de l'extrême droite. D'autant que 70% des habitants de la région parisienne plaçaient récemment la sécurité au premier rang de leurs préoccupations. `Tout le monde parle comme moi´, estimait mardi à la radio Jean-Marie Le Pen, qui compte galvaniser ses troupes ce soir à Paris lors d'un dernier meeting.

P.D.-D.

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