La France et les manifestants en vue à Barcelone
Une immense manifestation a réuni près de 300.000 opposants à la mondialisation samedi soir à Barcelone, quelques heures après la clôture d'un sommet européen qui a décidé de la future libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité.
- Publié le 15-03-2002 à 00h00
Une immense manifestation a réuni près de 300.000 opposants à la mondialisation samedi soir à Barcelone, quelques heures après la clôture d'un sommet européen qui a décidé de la future libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité.
Derrière une grande banderole "Contre l'Europe du capital, un autre monde est possible", la manifestation s'est mise en marche à 18h00 et a lentement descendu le paseo de Gracia pour arriver deux kilomètres plus bas au port.
Point d'orgue de trois jours de mobilisation des opposants au "tout libéral", les organisateurs entendaient célébrer une manifestation "joyeuse et pacifique".
Cependant vers 20h00, des incidents ont éclaté lorsque des groupes de casseurs infiltrés dans le cortège, des militants anarchistes encagoulés, ont commencé à briser des vitrines de banques, au milieu du parcours, avant de se fondre à nouveau dans la foule.
En fin de parcours, sur le port de Barcelone, au bas de la célèbre Rambla, la police anti-émeutes est intervenue pour disperser les manifestants par des tirs de grenades lacrymogènes et de balles de caoutchouc et des charges sélectives. Les policiers ont procédé à au moins une trentaine d'arrestations, a constaté l'AFP, avant que le calme ne commence à revenir vers 21h15.
Au moins neuf personnes ont été hospitalisés à l'issue de la manifestation, a-t-on appris de source hospitalière.
Six manifestants, un photographe de presse et deux policiers ont été admis dans différents centres hospitaliers pour des blessures légères, notamment à la tête, selon les services de santé d'urgence régionaux.
Plusieurs dizaines d'autres manifestants, au moins sept policiers et deux autres photographes de presse ont également été blessés, sans toutefois nécessiter une hospitalisation.
Par ailleurs, la direction régionale de la police a indiqué que, selon un premier bilan provisoire, 38 personnes avaient été arrêtées pour actes de vandalisme et rebellion à agents notamment.
Au coeur du défilé, un groupe d'environ deux cents "éléments incontrôlés" ont provoqué de nombreux dégâts sur le parcours de la manifestation, brisant des vitrines, des abribus et des cabines téléphoniques et incendiant des poubelles notamment.
Un quart d'heure plus tard, trois activistes anti-mondialisation ont fait irruption sur la pelouse du stade Camp Nou de Barcelone, interrompant le match phare du championnat d'Espagne de football, FC Barcelone - Real Madrid, à la deuxième minute de jeu.
Deux d'entre eux se sont menottés au poteau des buts du Barça et le service de sécurité a mis six ou sept minutes à les déloger, sous les huées du public. Après quoi le match a repris comme si de rien n'était.
Plus tôt dans la journée, les dirigeants européens, réunis dans un Palais des congrès placé sous haute surveillance, s'étaient mis d'accord pour une ouverture à la concurrence de plus de 60% du marché européen du gaz et de l'électricité.
A l'issue d'un sommet de deux jours à dominante économique, les Quinze ont décidé de libéraliser en 2004 la fourniture d'électricité et de gaz aux clients professionnels.
"C'est un pas fondamental", a assuré le chef du gouvernement espagnol Jose Maria Aznar, président en exercice de l'UE au premier semestre 2002.
Ferme partisan d'une libéralisation totale, M. Aznar a dû se résoudre à voir repousser d'un an le débat sur la libéralisation de l'énergie pour les particuliers, en raison de la ferme opposition de la France sur ce dossier.
De leur côté, les dirigeants français, le président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin, se sont félicités de concert d'avoir obtenu le recul de la décision sur les consommateurs privés, un dossier hautement sensible en pleine période électorale.
"Nous sommes favorables à l'ouverture, mais pas au détriment de nos services publics, qui constituent un fondement de notre pacte républicain", a déclaré Jacques Chirac.
Sur le plan de la politique extérieure, l'Union européenne s'est prononcée en faveur d'une application "urgente" de la récente résolution 1397 de l'ONU, qui mentionne un Etat palestinien, et a réitéré son soutien aux propositions saoudiennes pour la paix.
Pour la première fois, l'UE s'est également déclarée prête à envoyer sur le terrain (en Macédoine) sa toute nouvelle force militaire de réaction rapide. Mais l'engagement sur le terrain de la force européenne, après l'été, reste suspendu à la résolution d'un différend avec la Grèce sur l'utilisation par l'UE des capacités de planification de l'Otan.
Les Quinze ont également adopté une série de conclusions de nature plus "sociale", se promettant par exemple d'augmenter les capacités en garderie pour les jeunes enfants ou de poursuivre la lutte pour faire reculer la pauvreté.
Mais ces points ont été relégués au second plan par le débat sur l'ouverture des marchés, malgré la venue à Barcelone de dizaines de milliers de syndicalistes.
"Les dirigeants européens mettent en place des projets et des directives qui sont uniquement des projets de libéralisation et d'attaque des droits des travailleurs", a estimé José Bové, le dirigeant du syndicat agricole français Confédération paysanne présent sur place.