Une faillite, un succès (5/5): Il y a une vie après la bulle photovoltaïque
- Publié le 21-07-2017 à 11h03
- Mis à jour le 21-07-2017 à 11h04
La faillite de Sunswitch est emblématique des dégâts provoqués par l’éclatement de la bulle photovoltaïque, en Wallonie. Fondée par Jérôme Kervyn et deux autres associés, la société néo-louvaniste n’aura résisté qu’une année à l’arrêt brutal, le 31 mars 2013, de Solwatt, le généreux mécanisme de soutien à l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des particuliers wallons.
Si la chute a été brutale, la croissance avait également été vertigineuse. Lancée en juillet 2007 avec un capital de 40 050 euros, Sunswitch générera, cinq ans plus tard, un chiffre d’affaires de 33 millions d’euros et emploiera 83 personnes ! En tant que pionnière du photovoltaïque, l’entreprise a été contrainte de former et d’engager une importante équipe d’installateurs. A l’époque, il n’y avait pas de sous-traitants disponibles sur le marché.
"Avec l’arrêt de Solwatt, nous n’avons plus rien vendu du jour au lendemain, se rappelle Jérôme Kervyn. Avec notre grosse structure, nous n’étions pas assez agiles pour nous retourner. La faillite était inéluctable."
Accompagner le curateur
Après avoir accompagné durant des mois le curateur afin de limiter au maximum les dégâts pour les créditeurs et les fournisseurs, Jérôme Kervyn s’est attelé à sa reconversion. Son avantage est qu’il a pu s’appuyer sur Greenwatch, une deuxième société qui se chargeait de la gestion des certificats verts pour le compte des clients de Sunswitch.
Si Greenwatch existait déjà, Jérôme Kervyn l’a fortement développée depuis la faillite de Sunswitch. En plus de la gestion des certificats verts, Greenwatch gère aujourd’hui deux projets de recherche dans le cadre du plan Marshall. L’un d’eux consiste à prévoir quelle sera la production des panneaux photovoltaïques le lendemain, quart d’heure par quart d’heure.
"Aujourd’hui, lorsque la production photovoltaïque est trop importante, l’installation est purement et simplement coupée du réseau, explique Jérôme Kervyn. Notre solution permet de piloter l’onduleur afin de diminuer la production des panneaux lorsque c’est nécessaire. Cela évite les surtensions et donc au propriétaire d’être déconnecté du réseau."
A côté de ses projets de recherche, Greenwatch a lancé plusieurs nouveaux services. Citons ValoPV, qui permet de déterminer la valeur d’une installation photovoltaïque lors de l’achat ou de la vente d’une habitation munie de panneaux. "Il existe 58 régimes de subsides en Belgique, déclare Jérôme Kervyn. Grâce à ValoPV, il est possible de déterminer combien rapportera une installation photovoltaïque au cours des prochaines années."
Autres diversifications surprenantes : Greenwatch a lancé une assurance protection juridique en cas de problèmes contractuels entre un particulier, d’un côté, et un installateur ou un fabricant de panneaux, de l’autre. Ajoutons à cela, un service de nettoyage des panneaux.
Une joint-venture avec Total
L’un des plus importants projets de Greenwatch est Total energy solutions, une joint-venture détenue à parts égales avec le géant pétrolier.
"Nous avons mis au point un logiciel qui permet de déterminer quel moyen de chauffage est le plus adapté, analyse Jérôme Kervyn. En fonction de la composition des murs, du toit, des déperditions thermiques, du type de radiateurs ou de la température cible, on détermine s’il faut une pompe à chaleur ou une chaudière. Il est aussi possible d’isoler l’un ou l’autre paramètres. Tout est simulé par le logiciel qui propose des solutions avec des offres fermes et définitives."
Grâce à cette diversification, Greenwatch est passé de sept collaborateurs, avant la faillite de Sunswitch, à quatorze collaborateurs actuellement. Ces nouveaux relais de croissance compensent le déclin du chiffre d’affaires généré par les certificats verts. Après une année 2016 "difficile", l’entreprise vise l’équilibre financier en 2017 et la croissance en 2018.
A titre personnel, Jérôme Kervyn a également investi dans une société dont l’objet est la conception d’un logiciel de gestion de patientèle pour les dentistes. Il s’occupe personnellement du développement commercial du logiciel conçu par des dentistes et des programmeurs.
"Pas marqué au fer rouge"
On peut donc dire que la faillite de Sunswitch n’a pas entamé la fibre entrepreneuriale de Jérôme Kervyn. En outre, il ne s’est pas senti montré du doigt, comme ça peut être le cas en Belgique après un échec. "La faillite a été très médiatisée et il est apparu clairement qu’elle était due à l’environnement régulatoire, explique-t-il. Je n’ai pas impression d’être signé du fer rouge. En outre, j’ai beaucoup appris en gérant la décroissance. Je suis peut-être plus réfléchi, plus serein et plus structuré qu’avant mais je garde un optimisme à toute épreuve".Laurent Lambrecht