G7: Chronique d’un échec camouflé
- Publié le 28-05-2017 à 19h37
- Mis à jour le 28-05-2017 à 19h38
Le sommet de Taormina a acté la fracture entre les Etats-Unis et ses six partenaires sur le thème du climat. Reportage. Dimanche matin, les habitants de Taormina ont peu à peu repris possession des rues et ruelles de leur petite ville perchée sur les falaises. "Finalement, ils n’ont rien décidé, me semble-t-il", commente une femme qui porte encore autour du cou le badge remis aux habitants pour leur permettre de rester chez eux le temps du sommet. Difficile de lui expliquer qu’en réalité les rencontres du G7 ne doivent pas nécessairement décider mais bien indiquer des lignes communes et des objectifs sur certains thèmes globaux. Deux jours de discussions qui auront quand même coûté 55 millions d’euros, voilà ce que retiendront les habitants, eux qui pour discuter se retrouvent simplement au bar du coin, autour d’un expresso.
Une fracture évidente
Car la déclaration finale de ce quarante-troisième sommet du G7 joue sur toutes les nuances de la diplomatie pour tenter, sans vraiment réussir, de camoufler des divisions évidentes. "Le seul grand succès est la déclaration de Taormina contre le terrorisme avec des mesures innovantes notamment un meilleur contrôle de l’Internet", admet Paolo Gentiloni face à la presse italienne. Honnête, le Premier ministre italien ne cherche pas à jeter de la poudre aux yeux des journalistes, il sait que la presse internationale pointe du doigt l’évidente fracture apparue entre les Etats-Unis et les autres participants et que le compromis obtenu de justesse sur le commerce est l’arbre qui cache la forêt.
Car les objections de Donald Trump se retrouvent partout dans la déclaration finale. Ainsi la phrase initiale qui voulait souligner l’importance de la lutte contre toutes les formes de protectionnisme s’est-elle transformée en un vague concept de "lutte contre le protectionnisme". Et il n’est pas très difficile de reconnaître le slogan de campagne du président américain dans la formule suivante : "Nous voulons un commerce libre, correct et avec des avantages réciproques". Nul ne sait si Donald Trump regardait Angela Merkel droit dans les yeux en exigeant cet ajout au document.
Angela Merkel insatisfaite
La chancelière allemande est repartie sans cacher son amertume. "Sur le climat, qui est loin d’être un thème mineur, ce sommet est clairement insatisfaisant", a-t-elle lâché aux journalistes qui font partie de son cercle rapproché. Car Angela Merkel, tout comme Donald Trump, a annulé sa conférence de presse pour éviter des commentaires qui pourraient d’avantage envenimer la situation. Le président français, poussé sans doute par l’enthousiasme de ses premiers pas sur la scène internationale, s’est montre le plus optimiste, voyant dans cet échec annoncé le verre à moitié plein. "Ce qui s’est passé n’empêchera pas la France de prendre des initiatives. Donald Trump est un pragmatique. J’ai confiance qu’il confirme, peut-être à un rythme plus lent, les accords de Paris sur le climat. Mais ça ne nous empêchera pas de continuer", a lancé Emmanuel Macron, confiant.
Des "super réunions" pour Trump
Alors qu’il prononçait ces mots, Donald Trump avait déjà quitté la scène. L’Américain s’est échappé sans un regard pour les 3 000 journalistes qui attendaient ses premières impressions et qui auront dû se contenter de son message sur les réseaux sociaux : "Je viens de quitter le sommet du G7. J’ai eu des super réunions sur plein de choses, principalement sur le commerce pour lequel j’ai poussé pour obtenir la suppression de toutes les pratiques commerciales déloyales".
Pas un mot sur la lutte contre le réchauffement climatique, pour laquelle il avait annoncé clairement qu’il ne déciderait pas à Taormina. Donald Trump a finalement été à la hauteur des attentes, il ne sera jamais un chef d’état qui cherche l’accord diplomatique, mais bien un homme d’affaires intransigeant et brutal qui accepte de jouer en équipe seulement si les États-Unis y trouvent leur intérêt, comme dans la lutte contre le terrorisme, mais qui refuse tout compromis si les États Unis n’y gagnent rien.
Le G7 de Taormina aura servi de leçon. Dorénavant les relations internationales doivent se gérer comme un contrat d’affaires, et pour le futur G20 qui se tient en Allemagne en juillet, Angela Merkel devra apprendre à parler la langue du "business" si elle veut dompter Donald Trump.