La Catalogne, anti-corrida, voit rouge

L’interdiction de la corrida en Catalogne est annulée par le Tribunal constitutionnel.

Paco Audije Correspondant à Madrid
Bull's blood stains the face of Spanish bullfighter Alejandro Marcos during a bullfight with a Montealto ranch fighting bull in Guadarrama, Spain, Sunday, Oct. 2, 2016. Bullfighting is a traditional spectacle in Spain and the season runs from March to October. (AP Photo/Daniel Ochoa de Olza)
Bull's blood stains the face of Spanish bullfighter Alejandro Marcos during a bullfight with a Montealto ranch fighting bull in Guadarrama, Spain, Sunday, Oct. 2, 2016. Bullfighting is a traditional spectacle in Spain and the season runs from March to October. (AP Photo/Daniel Ochoa de Olza) ©AP

"Barcelone est une ville anti-tauromachique depuis 2004. Quoi qu’en dise le Tribunal constitutionnel, nous continuerons à respecter nos normes (municipales) qui empêchent la maltraitance des animaux." Ada Colau, maire de la capitale catalane, a exprimé ainsi le sentiment anti-tauromachie, majoritaire dans la région. Mme Colau (gauche alternative) défend son argument à partir du principe du bien-être animal. Mais pour beaucoup d’autres en Catalogne, les corridas sont d’abord un symbole trop espagnol envers lequel il faut prendre le maximum de distance.

Depuis 2008, la plate-forme civique Prou ("assez", en catalan) avait réussi à rassembler plus de 50 000 signatures pour contraindre les députés catalans à modifier la loi territoriale sur la maltraitance animale. L’interdiction des corridas fût approuvée au Parlement catalan le 28 juillet 2010. Juste un mois avant, le Tribunal constitutionnel espagnol avait déclaré illégaux plusieurs articles du nouveau statut d’autonomie que s’était donné la Catalogne, déclenchant dans les rues un fort mouvement indépendantiste. "En six ans, on est passé de 14 à 72 députés indépendantistes dans une chambre de 135 sièges", rappelle le journaliste barcelonais Pere Rusiñol. Le débat sur les corridas s’est, donc, déroulé en parallèle des âpres disputes politiques sur l’indépendance.

Et la tauromachie étant un mythe plutôt "hispaniste", la sentence du Tribunal constitutionnel ne fait qu’aider les indépendantistes à associer leur cause à celle des associations de défense des animaux qui progressent partout en Espagne, où les pratiques tauromachiques perdent du terrain. D’après une enquête récente de la World Animal Protection, seulement 19 % des Espagnols continuent à soutenir la tauromachie, tandis que 58 % s’y opposent. Les corridas ont aussi été interdites dans les îles Canaries et dans plusieurs villes et villages d’autres régions, pas seulement en Catalogne.

Admis au niveau local catalan

De manière un peu contradictoire, et avec le soutien des nationalistes catalans, certaines pratiques tauromachiques locales subsistent cependant en Catalogne. Tels les traditionnels "correbous" ("courir les bœufs", en langue catalane) que l’interdiction de 2010 avait épargné, parce qu’ils se tiennent dans des petites localités où le nationalisme catalan est très ancré. Par ailleurs, il existe une différence remarquable entre les "correbous" et la corrida : dans les premiers, les taureaux ne sont pas sacrifiés.

D’un point de vue pratique, les seules arènes catalanes qui restent utilisables sont celles de Barcelone, proclamée "ville anti-tauromachie" depuis plus d’une décennie et où les ordonnances prohibent les corridas depuis 2014. Dans d’autres lieux, les arènes ont été transformées pour d’autres usages. Des obstacles administratifs locaux de toute sorte, incluant des motifs de sécurité, mettent toujours en difficulté la possibilité d’organiser à nouveau des corridas en Catalogne.

Même s’ils sont soutenus par le Parti populaire (PP, droite) du Premier ministre sortant, Mariano Rajoy, la bataille juridique gagnée par les pro-taurins risque d’avoir le goût amer d’une victoire inutile.

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