Brussels Airlines: un "deal" à 2,6 millions peu alléchant
La Lufthansa pourrait prendre le contrôle de la totalité de Brussels Airlines pour la modique somme de 2,6 millions d’euros. Les actionnaires belges étudient la possibilité de s’opposer à l’opération. Selon nos informations, ils avaient les cartes en main à l’automne 2015.
- Publié le 26-09-2016 à 13h31
- Mis à jour le 26-09-2016 à 13h33
La compagnie aérienne allemande Lufthansa a-t-elle roulé les actionnaires belges (voir ci-dessous) de Brussels Airlines dans la farine ? C’est ce qu’affirment la plupart d’entre eux, au point de ne pas donner leur accord au rachat de la compagnie belge par les Allemands (lire notre édition de samedi).
Dès ce mercredi, Lufthansa pourrait ainsi racheter les 55 % d’actions restants aux mains des actionnaires belges de Brussels Airlines pour la modique somme de 2,6 millions d’euros. Un montant très loin des 150 millions attendus.
Deux scénario extrêmes
Comment expliquer cette différence de prix ? Pour bien comprendre, il faut remonter en 2008. A l’époque, Lufthansa rachète 45 % de SN Air Holding, l’actionnaire de Brussels Airlines, pour 65 millions d’euros. Il est alors convenu d’une option stipulant que les Allemands ont le droit de racheter les 55 % restants à un prix dépendant des résultats de Brussels Airlines.
Deux scénarios sont mis sur la table. Le premier prévoit un prix modique si la compagnie reste endettée, tandis que le second promet un montant beaucoup plus important si Brussels Airlines obtient de bons résultats financiers.
Selon les actionnaires belges, nous sommes dans le second scénario puisqu’en 2015 la compagnie belge a obtenu un bénéfice de plus de 40 millions d’euros, ce qui a, notamment, permis de distribuer des primes à son personnel.
Oui, mais c’était sans compter sur une ligne de crédit de 100 millions d’euros accordée en 2012 par Lufthansa à Brussels Airlines, via SN Air Holding. La compagnie belge a utilisé 65 millions de cette ligne de crédit et en a remboursé 20 millions. Les Belges sont donc toujours débiteurs de 45 millions d’euros par rapport Lufthansa.
Or en 2015, les membres du conseil d’administration de SN Air Holding ont proposé de rembourser cette dette, vu que Brussels Airlines disposait à nouveau de liquidités suffisantes. Mais ils se seraient retrouvés, d’après nos informations, face à un "nein" catégorique des trois administrateurs de Lufthansa qui siègent au conseil de SN Air Holding.
D’où la question : les Allemands ont-ils délibérément refuser ce remboursement pour permettre à Lufthansa de racheter Brussels Airlines à un prix dérisoire ? Certains actionnaires belges l’affirment et examinent d’ores et déjà des possibilités juridiques pour défendre leur cause. D’après eux, il y aurait ainsi un conflit d’intérêt manifeste des administrateurs allemands de SN Air Holding. Pour certains, les compte-rendus des réunions ayant amené à cette décision de non-remboursement devraient en témoigner.
Un blanc-seing pour éviter des poursuites ?
D’après nos informations, ces actionnaires belges ont, en tout cas, convenu de ne pas donner leur accord au rachat de Brussels Airlines par Lufthansa. Même si la compagnie allemande n’a théoriquement pas, selon le "deal" de 2008, besoin de l’accord des Belges, elle l’a tout de même demandé. Sans doute une prudence juridique des Allemands.
Le "non" des actionnaires belges est justifié, selon nos sources, par d’autres inquiétudes, comme le manque de garantie sur la suite des opérations de la future compagnie à Bruxelles, ou sur l’incertitude quant au maintien du nom "Brussels Airlines".
Seule chose acquise : Etienne Davignon, l’actuel président du conseil d’administration de Brussels Airlines, restera administrateur pour deux ans au moins en cas de rachat.
Les actionnaires belges auraient pu forcer le remboursement du prêt
A côté des 45 % détenus par la Lufthansa, de nombreux actionnaires belges figurent au capital de Brussels Airlines, via la SN Air Holding. Citons les régions wallone et bruxelloise, les banques Belfius, BNPP Fortis, ING, KBC, les industriels Engie et UBC, le groupe Vlan-Rossel, la société de portefeuille GBL ou encore Brussels Airport.
Si la Lufthansa se trouve en position d’acquérir 100 % du capital de Brussels Airlines pour la modique somme de 2,6 millions d’euros, c’est parce que la compagnie aérienne belge doit encore rembourser un crédit de 45 millions d’euros à son actionnaire allemand (plus d’informations ci-contre).
Or Brussels Airlines avait la capacité financière de rembourser ce prêt. A l’automne 2015, le sujet s’est d’ailleurs retrouvé à l’ordre du jour d’un conseil d’administration de la SN Air Holding, où les administrateurs belges sont majoritaires. Le CA est composé de quatre représentants des actionnaires belges (Etienne Davignon, Luc Coene, Theo Peeters et Emmanuel van Innis) et de trois représentants de la Lufthansa (William Willms, Harry Hohmeister et Jens Bischof).
Si les trois administrateurs de la Lufthansa étaient opposés au remboursement du prêt, les quatre administrateurs belges auraient pu leur forcer la main. Mais selon nos informations, ils ont préféré reporter la question à plus tard, pour tenter de dégager un consensus.
Sauf que la vague d’attentats terroristes, et ses conséquences sur Brussels Airlines, ont relégué cette question au second plan. Et le remboursement du prêt à la Lufthansa n’est jamais réapparu à l’ordre du jour de la SN Air Holding.
"Les Allemands ont profité de la situation"
"Il y avait d’autres chats à fouetter que régler cette question, explique une source. Avec les attentats de Paris, le lockdown et les attentats de Bruxelles, il y a eu énormément de choses à régler. Après coup, j’ai l’impression que les Allemands ont profité des événements." Car grâce à ce prêt non remboursé, la Lufthansa n’a théoriquement pas besoin de l’accord des actionnaires belges pour mettre la main sur 100 % de Brussels Airlines à petit prix.