En musique, la mort fait vendre
Disparu tragiquement il y a 6 mois, le groupe Viola Beach cartonne dans les charts. Enquête sur ce business posthume lucratif.
- Publié le 29-08-2016 à 15h24
- Mis à jour le 29-08-2016 à 15h50
Disparu tragiquement il y a 6 mois, le groupe Viola Beach cartonne dans les charts. Enquête sur ce business posthume lucratif. "Je suis sous le choc d’apprendre le succès que connaît l’album, a exprimé Finn Reeves, le frère de River et guitariste du boys band anglais Viola Beach. Je pense qu’ils seraient ravis. J’imagine le sourire qu’ils auraient fait. Ils y sont arrivés et ils ont travaillé très dur pour". Et pour cause, leur disque cartonne en tête des ventes dans leur pays et bat même des records selon Official Charts Company. Mais le jeune groupe de pop-rock indie n’est pas là pour le voir. Ses membres sont morts, il y a 6 mois, dans un étrange accident de la route sur un pont en Suède.
Tragédie grecque
Le 12 février, quatre jeunes Anglais fous de musique (Jack Dakin, Kris Leonard, Tomas Lowe et River Reeves) offrent à leur groupe un premier live en dehors de Grande-Bretagne. Mais après le show, le retour tourne au drame. Leur voiture fonce à travers deux barrières, puis tombe d’un pont en train de se relever pour laisser passer un bateau. 26 mètres de vide. Ni les membres du groupe, ni leur manager présent dans le véhicule, n’y survivent.
Si les circonstances restent troubles (l’autopsie n’a révélé aucune drogue ni alcool, ni freinage ou même endormissement), leur succès posthume est troublant. Six mois plus tard, le premier album de Viola Beach - qui comprend neuf titres, dont le single Swings and Waterslides - était sorti dans les bacs. Un mix d’enregistrements studio et de lives entre du Franz Ferdinand et Les Klaxons. En à peine quelques jours, le disque post mortem tutoyait déjà la tête des charts pour ne plus la quitter depuis un mois. "En plaçant l’album Viola Beach en tête des ventes, le public a lancé un message important au monde", ont indiqué les familles dans un communiqué. Mais passé ce côté émotif inévitable (ils étaient tous âgés entre 19 et 32 ans), la démarche de sortir un album posthume d’artistes se veut souvent plus perverse qu’elle n’en a l’air…
Le posthume se chiffre
Alors que le regretté et illustre David Bowie est sur le point de déjà sortir son album posthume (novembre), le constat est malheureusement flagrant : la mort fait vendre. Kurt Cobain, Amy Winehouse, Jeff Buckley, Michael Jackson doivent même se retourner dans leurs tombes en voyant une anthologie d’inédits refaire surface de temps en temps histoire d’amasser quelques liasses de billets verts. Le business du disque post mortem, pas toujours pétri de bonnes intentions, se prouve en chiffres :
66: C’est le nombre d’albums posthumes parus depuis la mort de Bob Marley en 1981. Même si ce chiffre comprend des lives, anthologies, best-of, remix et autres tributes : avec presque 3 disques par an, c’est ce qu’on appelle un record ! Si Confrontation (1983) est le seul véritable album inédit, la compilation Legend (1984) reste encore aujourd’hui le disque reggae le plus vendu au monde avec 25 millions de copies écoulées.
107: C’est le nombre de cassettes audio inédites de Kurt Cobain données par sa fille à Brett Morgen, réalisateur du documentaire Cobain : Montage of Heck. Accompagné d’un album posthume, le docu révèle des maquettes non abouties (malaise) alors que le fameux MTV Unplugged in New York de Nirvana (sorti sept mois après la mort du chanteur) s’est vendu à 6,8 millions d’exemplaires.
140 millions de dollars: Voilà ce qu’a rapporté Xscape, la vente du 2e album posthume de Michael Jackson à ses héritiers. Alors que le premier ne s’était écoulé qu’à 5 millions de copies en 2010. La faute ici aux huit titres inédits qui ont été produits par Timbaland & cie. Résultat ? 1,7 million d’exemplaires vendus. De quoi sauver l’année 2014 de Sony Music….