25 ans d’amour et… de beignes
Roger se dit "fou amoureux"de sa femme, mais a une drôle de façon de lui témoigner son amour. Croquis de Justice.
- Publié le 26-04-2015 à 11h20
- Mis à jour le 27-04-2015 à 08h48
Croquis de Justice
Trouver à se garer à Mons ne s’apparente jamais à une sinécure. Trouver un horodateur qui daigne imprimer un ticket, encore moins. Un peu à la bourre, un iPhone que l’on oublie d’éteindre et qui, bien entendu, va sonner. Deux fois encore bien, le temps que le plumitif de service se rende compte qu’il s’agissait bien du sien : "Quel est le con qui laisse son téléphone allumé en salle d’audience ?" La présidente n’est visiblement pas sensible au mode de sonnerie "pivert", sympathique volatile au vol erratique.
Logorrhée stérile
Erratiques sont les explications de Roger (*). Il a eu, et pas qu’une fois, la main lourde envers Madame, "son amour de 25 ans" . Ils sont fraîchement divorcés. Lors d’un premier jugement, le tribunal a requis l’internement pour Roger. Celui-ci et son conseil ont fait opposition, arguant que Roger va mieux, qu’il a "digéré" la séparation… A l’entendre sur les faits qui lui sont reprochés, ce n’est pas évident. Ce qui l’est, c’est que Roger est atteint de "diarrhée verbale". Il livre moult détails, superfétatoires, sur "son affaire". Son avocat tente de juguler le débit, en vain.
Pour résumer, Jacqueline (*) et Roger tiennent un commerce de poissons exotiques. Jacqueline est la "tête", Roger, les "bras" : "25 ans de bonheur", selon ce dernier. Le couple commence à "battre de l’aile" et c’est une sorte de spirale négative pour Roger qui sombre dans ce qui ressemble à une dépression. L’alcool n’arrange rien. Il prête à son épouse une relation extraconjugale avec son… beau-frère : "Ils allaient se promener main dans la main dans le parc du Vaux-Hall." Il se victimise : "En 25 ans - de bonheur donc , NdlR -, j’ai reçu 50 000 coups." Un jour, avec un couteau ("orange", précise Roger, qui a tout filmé et qui a des enregistrements sur tout), Jacqueline aurait menacé Roger : "Tu t’en vas ou je te plante !" Malgré ce climat, Roger se déclare encore "fou d’amour" pour sa dulcinée. Et plein de contradiction quand la présidente tente de le raisonner : - "Vous vous rendez compte que vous ne devez plus avoir de contacts avec Madame ?"
- "Je n’en ai plus et je n’en veux plus." Dans cet embrouillamini, ce qui semble avéré, ce sont les coups reçus par Jacqueline et le harcèlement téléphonique subi, pendant deux ans, par elle et sa mère.
Le conseil de Roger ne nie pas les faits, il explique le harcèlement par la nécessité pour Roger "les bras", de se renseigner auprès de son épouse et de sa belle-mère pour "faire tourner le magasin" .
Par rapport à l’état de Roger, son avocat se demande si l’Article 71 ("Il n’y a pas d’infraction lorsque l’accusé ou le prévenu était en état de démence au moment du fait") ne pourrait pas s’appliquer à son client.
Pour son avocat, Roger va à présent mieux, mieux en tout cas qu’en 2014 où un psychiatre l’avait déclaré dangereux pour la société et pour lui-même. D’où l’internement. Son avocat n’en démord pas, il souhaite que le prévenu soit réexaminé. Pour son client, il plaide "des mesures de contraintes au départ d’un cadre thérapeutique approprié".
"Il a toujours une bonne excuse"
Pour l’avocate de la partie civile, les progrès de Roger ne sont pas évidents : - "Devant une autre chambre, il a tenté de se rabibocher avec son ex-épouse et il a proféré des menaces à l’encontre du beau-frère."
- "Qu’est-ce que le beau-frère faisait là ?" , interroge la présidente.
- "C’est lui qui véhiculait Madame dans la mesure où c’est Monsieur qui a gardé la voiture…"
Pour elle, Roger a battu sa femme pendant vingt-cinq ans, ne s’est jamais remis en question et "il a toujours une bonne excuse" . Elle demande au tribunal de confirmer son jugement.
Pour le procureur du Roi, les faits sont établis et il n’a pas d’éléments nouveaux qui permettraient de penser que Roger est en voie de guérison : "On sent Monsieur en profonde violence, se battant contre les démons qui l’habitent."
Jugement, le 21 mai.
(*) Prénoms et nom d’emprunt.