Jeu, set et match pour Matteo Renzi
Si certains observateurs avaient encore des doutes sur l'habilité politique de Matteo Renzi, l'élection du douzième président de la République les aura tous balayés.
- Publié le 31-01-2015 à 17h18
- Mis à jour le 31-01-2015 à 19h08
Si certains observateurs avaient encore des doutes sur l'habilité politique de Matteo Renzi, l'élection du douzième président de la République les aura tous balayés. Le président du conseil des ministres, qui vient de fêter ses quarante ans, a réussi à damer le pion à de nombreux vieux crocodiles de la politique italienne, Silvio Berlusconi en premier. Car si le nom de Sergio Mattarella est sorti des urnes samedi à treize heures,avec 665 votes, lors du quatrième tour de scrutin, c'est parce qu'à ce petit jeu du poker menteur qu'est une élection présidentielle, le joueur Renzi s'est révélé le plus futé. Jeudi, soit quelques heures avant l'entrée des grands électeurs au parlement pour le premier tour de scrutin, Matteo Renzi s'est adressé à l'assemblée de son parti, pour annoncer le nom de Sergio Mattarella. Applaudissements soutenus, un coup de maitre, car si le parti démocrate n'a jamais réussi à s'unir totalement derrière le florentin, cette fois, c'est à l'unanimité qu'ils approuvent le choix du juge constitutionnel palermitain. "C'est un choix qui unit à nouveau notre parti" affirme Pierluigi Bersani, qui ces dernières semaines menait la fronde à l'intérieur du centre gauche. Cette grande macédoine politique qu'est le parti démocrate se retrouve parfaitement dans le profil de Sergio Mattarella. Issu de la gauche de la disparue démocratie chrétienne, il plait aux catholiques du parti démocrate, tout comme à la frange plus radicalement à gauche. Mais au moment où Matteo Renzi réussissait à sauver l'unité de son parti, Silvio Berlusconi avalait de travers son "espresso". Sergio Mattarella est un de ceux qui a osé se mettre en travers de la route du milliardaire, certes avant l'arrivée en politique du désormais "excavalière", c'est le genre de chose que Silvio Berlusconi n'oublie jamais. Mais ce qui a surtout agacé Silvio Berlusconi, est la méthode de Matteo Renzi, ce dernier a véritablement imposé son candidat sans laisser aucun espoir de discussion aux partis de droite.
Le pacte avec Silvio Berlusconi est rompu
Poussé dans l'angle par ce jeune loup, Silvio Berlusconi n'a eu d'autre choix que d'imposer le vote blanc aux grands électeurs de son parti. L'ex-cavalière fut mis hors jeu au propre comme au figuré. Car jeudi soir, les juges de Milan n'ont pas concédé à Silvio Berlusconi de rester à Rome. Condamné pour fraudes fiscales, l'ancien premier ministre est en effet obligé de passer le weekend, dans sa résidence de Arcore, et de prester le vendredi les cinq heures de travaux d'intérêts généraux dans une maison de repos. L'élection du président de la république n'a pas été retenue une justification suffisante pour un condamné qui finalement n'est plus sénateur. Furieux sur Matteo Renzi, l'ex-cavalière a donc quitté la capitale. Mais la faiblesse de Forza Italia et de la droite italienne en générale, vient justement du fait que Silvio Berlusconi n'a jamais laissé de place pour un éventuel successeur, personne n'a le droit de négocier à sa place, face à ce vide, Matteo Renzi en a profité pour faire rentrer dans les rangs, le petit parti du Nouveau Centre Droit membre du gouvernement, qui à son tour a soutenu le nom de Sergio Mattarella. Car c'est bel et bien le jeu de la diplomatie à géométrie variable qui a mis le feu aux poudres. "Rien ne sera plus comme avant" menace Renato Brunetta, un des faucons de Forza Italia. Car depuis dix mois, Silvio Berlusconi et Matteo Renzi ont fait un pacte pour travailler ensemble sur les réformes constitutionnelles, loi électorale et réforme du sénat. Selon Silvio Berlusconi, ce pacte aurait du se prolonger avec le choix du nouveau chef de l'état. Matteo Renzi a préféré opter pour un candidat qui réunit la gauche, homme au profil irréprochable qui ne concédera jamais rien pour aider le Cavalière à sortir de sa palude judiciaire mais qui ne concèdera rien non plus à un jeune premier ministre qui pense parfois que rien ni personne ne peut lui résister. Les premiers mots du nouveau président furent d'ailleurs très sobres: "mes pensées vont aux difficultés et aux espoirs des citoyens." Aussi bref qu'un tweet de Matteo Renzi.
Sergio Mattarella, le moine laïc
Bien peu d'italiens ont entendu le son de sa voix, et pour cause, depuis plusieurs années, Sergio Mattarella s'est retiré de la vie politique. Agé de 73 ans, ce sicilien, né à Palerme, et nommé juge de la cour constitutionnel en 2011, est plutôt du genre discret. Fils d'un dirigeant historique de la démocratie chrétienne, frère d'un gouverneur de Sicile qui ne voulait pas se plier aux règles de la mafia et qui fut assassiné par Cosa Nostra en 1980, Sergio Mattarella a été parlementaire pendant vingt cinq ans, de 1983 à 2008, et cinq fois ministre. "La lutte contre la mafia, les démissions pour défendre un idéal, inventeur des collèges électoraux, l'abolition du service militaire, un homme politique de qualité" le décrit Matteo Renzi sur les réseaux sociaux au moment de l'élection au parlement. Un homme droit, un homme sérieux et sobre, qualifié de "moine laïc" mais qui sait aussi se montrer inflexible. Ainsi le 26 juillet 1990, alors qu'il est ministre du gouvernement Andreotti, il remet sa lettre de démission pour s'opposer au vote d'une loi qu'il juge trop favorable à Silvio Berlusconi, une loi qui permettait au Cavalière d'obtenir un monopole des télévisions privées. Le milliardaire, entré en politique en 1994, ne lui pardonnera jamais, Fondateur du parti populaire et ensuite de "l'olivier" avec Romano Prodi, Sergio Mattarella est un catholique de gauche, un homme aux antipodes du style de Matteo Renzi, reste à voir, s'ils feront bon ménage.