Le sergent Pirson devant ses juges

Gilbert Dupont
Le sergent Pirson devant ses juges
©Bernard Demoulin

Des aveux, certes, mais pas d'aveux signés

BRUXELLES Ouverture, ce jeudi, à 8 h 45, devant le conseil de guerre de Bruxelles, du procès très attendu d'Olivier Pirson, ce Namurois de 33 ans, premier sergent au 2e bataillon para-commando de Flawinne, accusé d'avoir assassiné ses enfants, Sven et Romy, 5 et 6 ans, en les noyant, lors d'un accident simulé dans la Meuse, l'après-midi du 5 septembre 1998, non loin de Dinant, après leur avoir fait boire du méthanol, de l'alcool à brûler, pour les assoupir.
Procès à haute charge émotionnelle d'un papa ni plus ni moins accusé d'avoir assassiné ses propres enfants.
Procès difficile car s'il existe des charges qui ne sont pas légères, Olivier Pirson dénonce l'acharnement de son ex-belle-famille, les conclusions hâtives d'une enquête à sens unique et crie à l'erreur judiciaire.
Depuis des mois, le militaire était en conflit avec son ex-épouse, Ariane Moreau. Cet après-midi-là, les enfants sont chez lui. Il part avec eux faire des courses à Givet. A l'arrière de l'Opel Kadett, Sven et Romy se seraient chamaillés. Olivier, qui longe alors la Meuse, affirme qu'il aurait donné un brusque coup de volant alors qu'il se retournait pour les calmer. La Kadett a plongé dans la Meuse.
Il est sorti par la portière droite, aurait cherché à ouvrir celle des enfants ceinturés à l'arrière, aurait appelé de l'aide mais déjà la Kadett sombrait avec les deux petits bouts.
Cette version officielle est admise pendant deux ans. Jusqu'à ce que le para avoue, le 28 octobre 2000, dans des circonstances décriées par ses avocats, que c'était pas un accident, que son intention était de se suicider en entraînant ses gosses avec lui dans la mort. Il se disait désespéré par son divorce et pensait punir ainsi son ex-épouse.
Mais Olivier Pirson se reprend, refuse de signer les aveux puis se rétracte, le lendemain, dès qu'il le peut, dans le bureau du magistrat.
Lequel le place néanmoins sous mandat d'arrêt: le para comparaîtra détenu à son procès.
Deux ténors, les avocats Laurent Kennes et Marc Uyttendaele, le défendront.
Parties civiles, Ariane Moreau et les grands-parents maternels le seront par Me Georges-Henri Beauthier.Incohérences, problèmes de timing, réflexions de Pirson quand il annonça à son ex-femme le décès des petits (Olivier Pirson l'aurait traitée de `conne´ et lui aurait dit ensuite qu'il était fatigué et devait aller dormir; ndlr), violences (et même une tentative d'étranglement!), Ariane Moreau a très rapidement eu des doutes. Elle considère qu'Olivier Pirson a adopté un comportement très différent après son retour de mission au Rwanda en 1996. Il est devenu imperméable aux sentiments humains, estime-t-elle.
L'avocat général Gérald Wailliez soutiendra l'accusation. En principe, les audiences se dérouleront matins et après-midis les 20, 21, 24, 25 et 26 septembre.
Il s'agira d'un des derniers procès de la justice militaire belge. Olivier Pirson échappe aux assises, ce qui lui donnera l'avantage ou l'inconvénient d'être rejugé en appel: car tout le monde prédit déjà un procès en appel devant la cour militaire!


Les sept questions de l'affaire
BRUXELLES Voici les sept questions clés auxquelles la justice militaire ne pourra pas ne pas répondre avant de trancher.
• Peut-on condamner un homme sur les résultats d'un test pratiqué par une machine n'ayant jamais servi, à ce niveau du moins en Belgique, le polygraphe?
• Le test a entièrement été filmé: le montrera-t-on?
Aucune erreur n'a-t-elle vraiment pu se glisser lors des expertises ayant conclu à une présence anormale de méthanol chez les enfants?
• Pourquoi les deux séries d'expertises, séparées dans le temps, ont-elles livré des résultats différents?
• D'où provient le méthanol? La seule explication est-elle que les enfants ont dû boire de ce produit peu avant leur décès? Le processus naturel de décomposition des corps, qui produit des dérivés de méthane, ne peut-il expliquer les résultats?
• Pas de meurtre sans mobile: quel serait celui de Pirson qui, en septembre 1998, refaisait sa vie depuis déjà plusieurs mois avec sa nouvelle amie, Bénédicte?
• Un homme, encore plus un militaire aguerri, peut-il avouer, même sous la pression, des faits si horribles s'il ne les a pas vraiment commis?

Gil.

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