La perfection de l'âme
Une publicité commerciale vient de déclencher une de ces polémiques politiquement correctes dont les Etats-Unis ont le secret. En cause, la dernière campagne de Victoria's Secret, l'entreprise américaine qui se flatte de vendre la lingerie la plus sexy de la planète. La diplomatie pour les nuls.
- Publié le 31-10-2014 à 06h10
- Mis à jour le 31-10-2014 à 08h35
Une publicité commerciale vient de déclencher une de ces polémiques politiquement correctes dont les Etats-Unis ont le secret. En cause, la dernière campagne de Victoria's Secret, l'entreprise américaine qui se flatte de vendre la lingerie la plus sexy de la planète. La marque, qui s'est fait une réputation autant par ses créations originales que par ses défilés extravagants, a lancé une nouvelle ligne de soutiens-gorge, « Body », sur le thème « Perfect body ». Il n'en fallait pas davantage pour provoquer l'indignation et le courroux des associations féministes, mais aussi des clientes à qui déplaît l'idée de ne pas avoir un « corps parfait » si elles ne ressemblent pas aux modèles qui posent avec le nouveau « secret » de Victoria.
A première vue, on n'imaginerait pas qu'une marque de lingerie, a fortiori « sexy », propose autre chose qu'un sous-vêtement destiné à embellir le corps jusqu'à le rendre parfait, ou presque. Peut-on réellement envisager qu'elle fasse la promotion d'une nouvelle ligne de soutiens-gorge dont le slogan serait « Platitude » ? Las ! En Amérique, il est des choses qu'on ne peut pas prendre à la légère, et notamment les allusions à l'obésité. L'autre jour, c'est ni plus ni moins que le géant de la distribution Walmart qui se faisait tancer : à la veille d'Halloween, il proposait des déguisements spécialement conçus pour... les grosses. Devant le tonnerre de protestations, les petits génies de son département marketing ont dû prestement retirer du catalogue leur « Fat Girl Costumes ».
Loin de nous l'intention de contester la nécessité de respecter autrui et de condamner des dérives qui, dans le cas de Walmart, dépassent le palier de la simple bêtise pour atteindre les cimes de la stupidité. Toutefois, s'il est impérieux de dénoncer le culte volontiers caricatural de la beauté physique stéréotypée, ne conviendrait-ils pas de se préoccuper aussi de la beauté morale ? En cette période d'élections aux Etats-Unis, les publicités commerciales qui peuvent éventuellement prêter à controverse sont noyées dans un déluge de spots électoraux qui se caractérisent trop souvent par le mépris de l'adversaire, le mensonge éhonté, voire l'insulte la plus grossière (Barack Obama, qui en est continuellement la victime, pourrait le premier en témoigner). N'aimerait-on pas voir, dans ce cas aussi, les citoyens se lever pour crier leur incompréhension et leur dégoût ? Après tout, ce qui est en jeu est sans doute plus important qu'un soutien-gorge ou un costume d'Halloween.