France: la majorité qui fait confiance à Manuel Valls s'érode
L'Assemblée nationale a voté mardi la confiance au deuxième gouvernement Valls par 269 voix, soit une majorité nettement plus faible que celle de 306 voix accordée à son premier gouvernement il y a cinq mois.
- Publié le 16-09-2014 à 13h49
- Mis à jour le 16-09-2014 à 19h55
L'Assemblée nationale a voté mardi la confiance au deuxième gouvernement Valls par 269 voix, soit une majorité nettement plus faible que celle de 306 voix accordée à son premier gouvernement il y a cinq mois.
53 députés se sont abstenus, dont 31 socialistes selon une source proche du groupe PS. 244 ont voté contre. Une socialiste, Linda Gourjade, a fait savoir qu'elle avait voté pour par erreur, alors qu'elle souhaitait s'abstenir. "Grâce à ce vote, les parlementaires ont décidé de poursuivre la route jusqu'à la fin du quinquennat et de la législature", a réagi Manuel Valls dans l'hémicycle. La proclamation des résultats par le président de l'Assemblée Claude Bartolone (PS) a été accueillie par des "ouh la la" sur les bancs de la droite et des applaudissements côté socialiste.
Le 8 avril, le Premier ministre avait gagné la confiance avec 306 voix contre 239, et 26 abstentions, dont 11 socialistes. Cette fois-ci, les abstentionnistes socialistes et écologistes ont été nettement plus nombreux. Comme la fois précédente, l'UMP et l'UDI, mais aussi le Front de Gauche, ont encore rejeté la confiance au gouvernement, tandis que la quasi-totalité des radicaux de gauche la lui ont accordée.
Baisses d'impôts, résistance face à Bruxelles et à l'Allemagne...
Avant le vote, soucieux de rassembler son camp, Manuel Valls avait multiplié les signaux à gauche dans son discours. Principales annonces: la baisse d'impôt sur le revenu concernera 6 millions de ménages en 2015, contre 4 millions cette année, même si aucun montant n'a été cité; le minimum vieillesse aura un petit coup de pouce (800 euros contre 792 actuellement), tandis que les petites retraites (moins de 1.200 euros) bénéficieront d'une prime exceptionnelle, d'un montant là encore non précisé.
Il a plaidé que "la politique du gouvernement est guidée par les valeurs de la République, des valeurs chères à la gauche -la Nation, le principe d'égalité et de justice - qui s'adressent à tous les Français". Il s'est montré dans son discours offensif vis-à-vis de Bruxelles et de l'Allemagne et a par ailleurs répliqué à la "provocation" et à la "surenchère" que constituent à ses yeux les propositions du Medef. Deux déclarations qui auraient pu plaire à une aile gauche du PS se détournant du Premier ministre.
En matière budgétaire, "la France décide elle seule de ce qu'elle doit faire", a lancé M. Valls, appelant à un "dialogue sincère et exigeant entre la France et l'Allemagne", alors que le gouvernement prévoit un déficit de 4,4% cette année et de 4,3% en 2015, nettement au-delà des plafonds européens.
Quant aux propositions du Medef (suppression de jours fériés, assouplissement des 35 heures ou du SMIC), "personne, et je le dis clairement au patronat, ne doit prendre le risque d'affaiblir, par je ne sais quelle provocation, par je ne sais quelle surenchère, l'indispensable dialogue social qui est la marque de ce quinquennat", a tancé M. Valls. "Réformer, ce n'est pas réduire le Smic. Réformer, ce n'est pas supprimer le CDI. Réformer, ce n'est pas diminuer les salaires dans la fonction publique. Réformer, ce n'est pas casser notre modèle social", a-t-il poursuivi. Ce modèle "n'a pas vécu", selon M. Valls, répliquant là encore au patron des patrons Pierre Gattaz.
En costume bleu comme en avril, mais avec moins de fougue, le Premier ministre avait in fine appelé l'opposition à "assumer ses responsabilités". Las, le chef de file des députés UMP Christian Jacob lui a lancé: "Vos jours sont comptés" et "vous n'êtes déjà plus le pare-feu d'un Président en perdition, car après cinq mois à Matignon, vous êtes usé comme lui jusqu'à la corde".
La coprésidente des députés écologistes Barbara Pompili a dit leur "doute" à l'égard de Manuel Valls, après les espoirs douchés en cinq mois, qui leur a valu de basculer du soutien à l'abstention. Le patron des députés Front de gauche, André Chassaigne, a lui vu dans son discours une "déclaration de défiance à l'endroit du peuple" alors que la politique "austéritaire" se poursuit selon lui.
C'est la gravité de la situation - crise gouvernementale fin août, indicateurs économiques et financiers dans le rouge, chômage au plus haut, brûlot de Valérie Trierweiler, affaire Thévenoud, cote de popularité de l'exécutif en berne - qui avait amené Manuel Valls à quêter une nouvelle légitimité auprès des députés, alors que la Constitution ne l'y obligeait pas, mais l'aurait contraint à démissionner faute d'une majorité.
La course d'obstacles pour le couple Hollande-Valls va se poursuivre avec, au-delà de la conférence de presse du président jeudi, l'annonce en fin de semaine de la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidence de l'UMP et de difficiles débats budgétaires, prochain rendez-vous fixé par la "fronde".