Le plan de Poutine pour retenir l’Ukraine
Si Poutine joue cartes sur table, c'est parce qu'il sait qu'il a tous les atouts de son côté. Décryptage des phrases choc du président russe et de son stratagème.
- Publié le 02-09-2014 à 20h23
- Mis à jour le 03-09-2014 à 07h54
Décryptage des phrases choc du président russe et de son stratagème. Avec tout le respect qu’on doit à José Manuel Barroso, il faut reconnaître qu’il a mal interprété les paroles que Vladimir Poutine aurait prononcées lors de leur conversation téléphonique du 30 août dernier, en y voyant une menace immédiate.
M. Barroso dit avoir posé à M. Poutine une question sur les troupes russes qui ont franchi la frontière avec l’Ukraine et s’est entendu répondre : "Ce n’est pas ça, en réalité, qui est un problème. Si je veux, je prendrai Kiev en deux semaines."
En fait, cette remarque était une invitation aux pays occidentaux à accepter sans broncher la façon dont la Russie trouve utile d’agir actuellement en Ukraine pour rendre impossible sa fuite vers l’Europe. M. Poutine a voulu ainsi démontrer que son comportement vis-à-vis de l’Ukraine fait preuve d’une grande modération, puisqu’il s’interdit de penser à une prise d’assaut de la capitale ukrainienne.
Autrement dit, il joue cartes sur table, sachant pertinemment qu’il a tous les atouts de son côté.
Il se fait que Moscou n’a nul besoin de promouvoir l’indépendance des régions de l’est de l’Ukraine, ni à plus forte raison de les rattacher à la Russie, à l’exemple de la Crimée. Si c’était le cas, l’Ukraine, même tronquée de la sorte, pourrait rejoindre l’Europe de manière irréversible, redoublant ainsi les cauchemars géopolitiques du Kremlin.
Il faut donc comprendre que le but du stratagème de Moscou consistait et consiste toujours à maintenir ces deux régions séparatistes au sein de l’Ukraine, tout en leur donnant un degré d’autonomie capable de leur permettre de paralyser totalement tout mouvement de Kiev vers l’Union européenne, et à plus forte raison vers l’Otan.
Clairement formulé
Les grandes lignes de ce projet ont été clairement formulées la semaine dernière par M. Poutine, qui a souligné la nécessité de s’entendre "sur l’organisation politique de la société ukrainienne" et sur "le statut étatique des régions séparatistes".
On a tout de suite prêté au président russe l’intention de transformer les régions du sud-est de l’Ukraine en un Etat indépendant, mais cette interprétation a été démentie immédiatement par son porte-parole.
Il est toutefois clair qu’il s’agit au minimum de doter ces régions de certains éléments de souveraineté étatique (y compris de leur propre armée) et d’une large autonomie dans le cadre d’une fédération.
Dans ce contexte, l’armée russe n’a en effet aucun besoin de marcher sur Kiev. Avec des moyens beaucoup moins spectaculaires, Moscou s’est contenté de rendre a priori impossible la victoire militaire des forces armées de l’Ukraine sur les rebelles, ce qui lui permet désormais d’imposer à Kiev des négociations avec les séparatistes, dont l’issue semble programmée d’avance.
D’autant plus que l’Europe, de plus en plus hésitante dans son attitude face à cette situation, ne cesse d’appeler les autorités ukrainiennes à abandonner les méthodes violentes en faveur d’un dialogue politique, en espérant toujours que ses sanctions auront raison de l’intransigeance de Moscou.