Avignon, "intranquille et vigilant"
Premier d'Olivier Py, le 68e Festival d'Avignon a été chahuté et passionnant. Bilan de cette édition centrée sur "tout ce qui nous dépasse".
- Publié le 28-07-2014 à 21h54
- Mis à jour le 29-07-2014 à 07h50
Un 68e Festival d’Avignon - le premier d’Olivier Py - chahuté et passionnant."Tout ce qui nous dépasse" était la ligne éditoriale imprimée au Festival d’Avignon par son nouveau directeur. Olivier Py, tout au long de cette édition chahutée, l’a souligné : "Poétique parce que politique, politique parce que poétique, le Festival, loin d’être une somme de spectacles, est plus que jamais une ville en état d’utopie, un lieu agité par la conscience du monde."
Du Congo visité en mouvement et musique par Alain Platel et Fabrizio Cassol ("Coup fatal") à l’Égypte d’El Warsha, sa tradition et son présent ("Haeeshek"). Des vibrantes "Sorelle Macaluso" de la Sicilienne Emma Dante à l’icône du Chili Allende écaillée par Marco Layera ("La Imaginación del futuro"). Du mythique texte indien "Mahabharata" que fait sien le Japonais Satoshi Miyagi au souvenir de la Première Guerre mondiale ritualisé par le Samoan Lemi Ponifasio ("I Am"). Des petits arrangements avec le réel dans la Roumanie d’aujourd’hui ("Solitaritate" de Gianina Carbunariu) à l’Allemagne d’après-guerre selon Fassbinder ("Le Mariage de Maria Braun") revue par Thomas Ostermeier, jusqu’à la soif de pouvoir dans "Henry VI" de Shakespeare, la saga hors normes de Thomas Jolly.
Orages, grogne et grèves
"Intranquille", cette 68e édition a connu orages, mistral et grogne. Menacé car les intermittents se sentent eux-mêmes précarisés par la réforme de leur statut, le Festival eut pourtant lieu. "C’est bien l’intelligence collective qui a permis à la fois une mobilisation sans relâche et les représentations chaque jour. [...] Nous avons, en semble, fait le choix d’utiliser nos métiers pour nous faire entendre, exercice de pédagogie et de réflexion permanent."
Ainsi plusieurs représentations furent ponctuées de textes remarqués. Celui de Fabrice Murgia notamment (relayé dans nos pages et sur lalibre.be), ou encore l’excellente fable de Pierre Meunier à l’issue de son "Buffet à vif". A lire sur le site du Festival d’Avignon.
S’il y eut des jours de grève, des annulations, "nous pouvons dire aujourd’hui que rien n’est définitif, rien n’est cassé, rien n’est fermé. Ce dont nous sommes certains, c’est que tout ce qui nous a dépassés nous a rassemblés."
Belges à Avignon
Une fois encore, la Belgique s’est illustrée par des propositions fortes : "The Fountainhead" d’Ivo Van Hove, unanimement salué. "Huis" de Josse De Pauw, "Coup fatal" d’Alain Platel largement estimés. Sans oublier bien sûr "Notre peur de n’être", ou le retour très attendu de la Communauté Wallonie-Bruxelles dans le In, signé Fabrice Murgia.
Un coup d’œil aux Doms s’impose, dans le Off. La vitrine de la création contemporaine de WB affiche une fréquentation en hausse de 15 % par rapport à 2013. "C’est considérable, rassurant quant à l’avenir, et cela témoigne d’un attachement du public à un lieu comme le nôtre mais aussi d’une faim renouvelée de théâtre qui fait sens." Présents en force ailleurs dans le Off aussi, les Belges francophones - de Françoise Bloch à Erika Zueneli - partagent cette réussite. Par ailleurs les Doms lançaient cet été leur salon d’artistes Grand Angle. Parce qu’Avignon, certes un marché, est avant tout un carrefour et un creuset de découvertes.
www.festival-avignon.com