Le grand équilibre des maroquins
PS et CDH n’ont pas choisi leurs ministres par hasard : stratégie, rapports de force... Analyse du casting au gouvernement wallon et au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
- Publié le 21-07-2014 à 21h19
- Mis à jour le 22-07-2014 à 07h49
PS et CDH n’ont pas choisi leurs ministres par hasard : stratégie, rapports de force...Au PS et au CDH, les personnalités "ministrables" ont passé tout le week-end l’oreille rivée à leur GSM, dans l’attente du coup de fil libérateur de Paul Magnette ou de Benoît Lutgen. Mais obtenir ou pas un maroquin dans un gouvernement n’est pas qu’une question de compétence individuelle. Les choix des présidents de parti dans les équipes qu’ils placent à la tête des gouvernements relèvent aussi de la stratégie politique, du respect des équilibres internes aux formations. Le train de nominations à la tête du gouvernement wallon et du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’échappe pas à cette logique implacable.
Caser les barons PS
D’abord, la ministre-Présidence commune aux deux gouvernements a été éclatée. En Wallonie, Paul Magnette devient le chef de l’exécutif régional si important pour le PS. L’ancien ministre-Président à la double casquette, Rudy Demotte, reste seulement patron du gouvernement de la Fédération. C’est qu’au PS, on voulait une personnalité incarnant le renouveau pour diriger le gouvernement wallon. Mais dégommer aussi cruellement la machine à voix du Hainaut occidental, Rudy Demotte, n’était pas si simple. La porte de sortie : chacun sa ministre-Présidence. Et Jean-Claude Marcourt ? Il garde ses compétences (Economie) avec quelques dossiers en plus comme lot de consolation.
Attendez deux secondes : Magnette, Demotte…. Ce sont deux Hennuyers qui vont diriger les deux nouveaux gouvernements. Et la puissante fédération liégeoise du PS ? Elle se consolera également en obtenant trois ministres (Marcourt donc, Isabelle Simonis et la surprise du chef : Christophe Lacroix).
Notons au passage que Paul Magnette ne pourra plus rester président (faisant fonction) du PS : après sa prestation de serment, il perdra son job au boulevard de l’Empereur. C’est Elio Di Rupo, président en titre et toujours Premier ministre, qui redeviendra le n°1 du parti. Elio Di Rupo va en outre garder un œil en interne sur le travail du futur gouvernement wallon : Anne Poutrain, la super-négociatrice socialiste et directrice du centre d’études du parti (l’Institut Emile Vandervelde ou IEV), va devenir secrétaire de l’exécutif régional. Cette ultra-proche d’Elio Di Rupo aura ainsi une vue privilégiée sur le travail des Wallons. Anne Poutrain sera remplacée à l’IEV par Hervé Parmentier, l’actuel chef de cab’ très discret d’Elio Di Rupo au "16". L’ère de la domination montoise au PS n’est pas encore révolue… On notera enfin l’arrivée d’André Flahaut au Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles : l’ancien président de la Chambre, influent homme d’appareil, devait être recasé.
CDH très centriste
Au CDH, la grande nouvelle est l’arrivée de l’étoile montante Maxime Prévot. Il envoie André Antoine, en disgrâce, au perchoir du parlement, devient vice-président du gouvernement wallon et s’empare des Travaux publics (très convoités par le CDH durant les négociations avec le PS). Maxime Prévot va donc devoir abandonner le mayorat de Namur, tout comme Paul Magnette celui de Charleroi. A eux deux, ils constituent la nouvelle épine dorsale du gouvernement wallon.
Autre leçon à tirer, du côté humaniste : le centre-droit du parti a la cote. Maxime Prévot en est l’un des piliers. Mais au fédéral, l’arrivée de Joëlle Milquet, nettement plus à gauche au sein du parti, à l’Enseignement obligatoire et à la Culture satellise Melchior Wathelet comme vice-Premier ministre (il est remplacé par Catherine Fonck comme secrétaire d’Etat). Autres ministres de centre/centre-droit : Carlo Di Antonio et le petit nouveau, René Collin. On sent la volonté du président du CDH de positionner sa formation au centre de l’échiquier politique.
Stars fédérales en réserve
Tiens, par rapport au fédéral, on voit que PS et CDH, même s’ils ont gonflé le nombre de postes ministériels (lire ci-contre) et ont dédoublé la ministre-Présidence, gardent des billes de valeur dans l’exécutif Di Rupo. A part Joëlle Milquet donc, Laurette Onkelinx, Melchior Wathelet, Elio Di Rupo bien sûr, restent en place alors qu’on parle de plus en plus d’une coalition suédoise qui mettrait dehors les socialistes francophones et les humanistes. Evidemment, en cas d’opposition au fédéral, le PS et le CDH pourront dégager l’un ou l’autre ministre actuel dans les entités fédérées pour replacer à des postes stratégiques ce beau linge fédéral.